À l'issue d'une finale au scénario incroyable, les Bleuets ont terrassé l'Angleterre, une performance inédite. Les héros se nomment Lauren Baltayan, Melvil Scianimanico, Antonin Romieu, Rose Lucas-Marcuzzo et Amir Khaled-Jousselin, ce dernier ayant fait preuve d'un sang-froid bluffant pour remporter le match décisif, à seulement 15 ans.

Article de Jérôme Elhaïk

📷 IMPhoto 

C’était la finale attendue entre deux équipes très supérieures aux autres sur le papier, et elle a bien eu lieu à Bucarest dimanche après-midi entre la France et l'Angleterre.

Les Britanniques avaient pour eux non seulement le poids de l’histoire (35 titres en 38 éditions, 10/10 en finale contre les Bleus), mais aussi l’avantage psychologique d’un double succès à l’arrachée dans les finales des deux tableaux individuels. Pourtant, ça ne s’est pas vu au début du match des filles, qui ouvraient le bal. Lauren Baltayan a rapidement mené 2 jeux à 0, alignant même 8 points de suite alors qu’elle était menée 6-3 dans la deuxième manche contre Amelie Haworth. C’est alors que les souvenirs de ses affrontements précédents contre l’Anglaise ont ressurgi, même si cette fois Lauren n’a pas eu de balle de match. On s’est retrouvés embarqués dans un 5ème jeu de tous les dangers, mais la tricolore a eu le mérite de rassembler ses forces, et de creuser un écart qui allait s’avérer décisif malgré un retour d’Haworth à 7-7. Cette fois, la première de ses quatre balles de match a été la bonne pour Lauren, qui mettait son équipe sur les bons rails : pour la 3ème fois, après 2018 et 2022, l’équipe de France menait 1-0 contre l’Angleterre en finale du championnat d’Europe -19 ans.

Le camp tricolore est passé par toutes les émotions pendant la finale France - Angleterre

Malheureusement, les espoirs d’un succès en deux matches vont être de courte durée. La faute à un Jonah Bryant impérial, alors qu’hormis dans le deuxième jeu, Melvil Scianimanico n’a jamais trouvé la solution pour perturber la mécanique anglaise, comme il l’avait si bien fait en finale des individuels. C’est donc Amir Khaled-Jousselin qui allait disputer le match décisif contre Abdallah Eissa. Une lourde tâche pour le Nancéen, âgé de seulement 15 ans, mais qu’on le savait capable de réaliser au vu de ses résultats ces derniers mois. On n’a pas été déçus : face à un joueur de 3 ans son aîné, et médaillé de bronze quelques jours plus tôt, Amir a fait preuve d’une maîtrise exceptionnelle, notamment dans le deuxième jeu pour écarter une balle d’égalisation et remporter le tie-break. Plus le match avançait, moins l’issue faisait de doute et comme un symbole il ne faudra qu’une balle de match au français pour faire exploser son camp de joie … Pour la première fois de son histoire, la France remporte le championnat d’Europe -19 ans par équipe !

[2] FRANCE 🇫🇷 bat [1] ANGLETERRE 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿 : 2-1

👉 Lauren Baltayan 🇫🇷 bat Amelie Haworth 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿 : 3-2 (11-6, 11-6, 11-13, 8-11, 11-7)

👉 Jonah Bryant 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿 bat Melvil Scianimanico 🇫🇷 : 3-0 (11-5, 11-8, 11-1)

👉 Amir Khaled-Jousselin 🇫🇷 bat Abdallah Eissa 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮󠁧󠁿 : 3-0 (11-9, 12-10, 11-5)

📺 Finale à revoir sur la chaîne YouTube The European Squash Federation

L'équipe de France -19 ans, pour la première fois sur la plus haute marche du podium au championnat d'Europe

Malcolm Tullis, nouveau responsable du projet de performance junior, et tout le camp tricolore sont passés par toutes les émotions dimanche en Roumanie, avant l'apothéose ... Réaction.

🎤  « On est champions d’Europe ! J’ai eu Fred Lecomte (NDLR : entraîneur national en charge du secteur performance, et mémoire vivante du squash français) au téléphone, il me disait qu’il avait fait le décompte, on avait perdu en tout 50 fois contre l’Angleterre en jeunes … On n’en pouvait plus d’entendre leur 'good game' après une défaite, comme ça avait été le cas en finale des tableaux individuels mardi dernier. »

🎤 « D’ailleurs, il faut dire que ces défaites avaient laissé des traces pour Lauren et Melvil, c’est pour ça qu’on les avait mis au repos lors de la première journée de la compétition par équipe. Surtout pour Lauren vu le scénario du match, c’était un peu une torture de revenir tous les jours au club, de croiser Amelie Haworth etc … Ça n’a pas été simple pour elle, elle me disait qu’elle n’avait qu’une envie, c’est de jeter ses raquettes à la poubelle (rires) ! Hier, on a cru qu’on allait revivre le même scénario … Lauren avait des crampes à cause du stress, notre kiné Christophe Labit la manipulait entre les jeux, et je me suis retrouvé à la coacher allongé par terre à ses côtés, à un moment je me disais mais qu’est-ce que je suis en train de faire ... Heureusement, elle a réussi à prendre le meilleur départ dans le 5^ème jeu, je ne sais pas comment elle a réussi à trouver l’énergie pour conclure ... »

En difficulté pendant son match en finale, Lauren Baltayan (ici allongée au sol) a trouvé les ressources pour l'emporter, avec l'aide de toute l'équipe de France ...

🎤 « Quant à Melvil, déjà il faut dire qu’il est tombé sur un Jonah Bryant très costaud. Ensuite, même s’il était hyper-motivé avant le match, il n’a pas réussi à trouver l’énergie sur le court. Lui aussi est passé tout près du titre en individuel, il a dû surmonter cette déception. Je crois qu’il avait perdu pas mal d’influx dans les matches précédents, même si les scores ne le montrent pas vraiment. Et que dire sur Amir ? Comme il l’a dit lui-même, il avait la boule au ventre avant le match décisif, mais une fois que l’arbitre a annoncé 0-0, on n’avait plus aucun doute … De son côté, je crois qu’Abdallah Eissa a mal abordé le match, il n’a jamais utilisé son physique, et j’ai l’impression qu’il a eu peur d’Amir et de sa défense. »

🎤  « Concernant Amir, sa gestion des temps forts et des temps faibles est tout simplement incroyable, il joue tellement juste. Même s’il a toujours fait partie des meilleurs de sa génération en France, on ne se doutait pas qu’il allait atteindre un tel niveau. Ses entraîneurs font un boulot incroyable avec lui et il a énormément de qualités, mais si je ne devais en retenir qu’une, ce serait sa passion. Il vit, mange et respire squash 24h/24. Comme il le dit lui-même, ça lui est déjà arrivé dans le passé de se voir trop beau, et le fait d’affronter les Égyptiens au British Junior Open a permis de mettre les choses en perspective. Maintenant, il ne se fixe aucune limite et veut se battre avec eux, on a hâte de voir ce que ça va donner au championnat du monde cet été. »

🎤 « Gagner un titre, c’est gratifiant pour des coaches, mais il ne faut surtout pas oublier que pour les joueurs 90 % du travail est fait au quotidien avec leur staff, nous on les accompagne seulement dans les 10 derniers mètres du sprint. En plus, la situation était un peu particulière cette année, les jeunes appréciaient beaucoup Yann Menegaux*. Yann Perrin et moi-même avons dû trouver notre place et gagner la confiance des jeunes, je crois que dans l’ensemble ça s’est bien passé. Il faut aussi souligner le rôle prépondérant de Christophe Labit, qui a l’expérience de ce genre de compétitions. On sait qu’un kiné sert à soigner les corps mais aussi les têtes, et qu’il peut servir de relais entre les joueurs et les entraîneurs. »

*Ancien responsable des -19 ans, il s'occupe maintenant de l'équipe de France féminine. 

Pour Malcolm Tullis, la cohésion au sein de l'équipe de France junior est l'une des clés de leur succès (Crédit photo : Rose Lucas-Marcuzzo)

🎤 « En conclusion, je crois que si on a remporté cette finale, c’est aussi grâce à l’amour (rires), je veux parler de l’unité qu’il y a dans cette équipe, et qu’on retrouve particulièrement en France je trouve. Comme je l’ai dit aux jeunes, en face ils sont aussi passionnés de squash que vous, mais peut-être qu’il y a plus de cohésion chez nous et c’est ça qui va nous faire gagner. Je suis persuadé que si ça avait été un match individuel, Lauren n’aurait pas trouvé les ressources, mais elle a été les chercher au plus profond d'elle-même parce qu’elle jouait pour son équipe. »

La victoire de l’équipe de France junior est un évènement parce que c’est une première dans cette compétition mais pas seulement.

👉 Ce n’est pas un secret, il existait une sorte de psychose autour des affrontements France – Angleterre chez les jeunes dans les épreuves par équipe. Comme évoqué plus haut, toutes compétitions confondues (championnats d’Europe -15, -16, -17, -19, championnat du monde -19 ans), on répertoriait un total de 50 victoires de la perfide Albion en 50 rencontres ! Et on peut même en ajouter 26 de plus si l'on tient compte du Tournoi des 5 Nations.  Mais ça, c’était avant … Sur les réseaux sociaux, on a pu lire de très nombreux messages de félicitations d’anciens joueurs des équipes de France jeunes (on pense notamment à Victor Crouin), qui avaient toujours perdu contre nos meilleurs ennemis …

👉 27 de ces 50 rencontres étaient des finales de championnat d’Europe, dont 10 chez les -19 ans.

👉 Les seniors avaient déjà brisé ce plafond de verre en s’imposant à 4 reprises (2015, 2017 et 2018 pour les garçons, 2019 pour les filles). Le squash hexagonal compte deux autres titres continentaux : les -16 ans en 1993 et les -17 ans en 2023, aventure dont Lauren Baltayan faisait déjà partie.

L'équipe de France -19 ans (de gauche à droite, Xavier Romieu, Yann Perrin, Christophe Labit, Rose Lucas-Marcuzzo, Antonin Romieu, Amir Khaled-Jousselin, Melvil Scianimanico, Lauren Baltayan et Malcolm Tullis) a écrit l'histoire

Poule

👉 [2] France 🇫🇷 bat [15] Suède 🇸🇪 : 3-0

👉 [2] France 🇫🇷 bat [18] Roumanie 🇷🇴 : 3-0

👉 [2] France 🇫🇷 bat [10] Belgique 🇧🇪 : 3-0

👉 [2] France 🇫🇷 bat [7] Pays-Bas 🇳🇱 : 3-0

Quart de finale

👉 [2] France 🇫🇷 bat [8] Écosse 🏴󠁧󠁢󠁳󠁣󠁴󠁿 : 3-0

Parfois, une photo vaut mieux qu'un long discours ... 

Demi-finale

👉 [2] France 🇫🇷 bat [3] République Tchèque 🇨🇿 : 3-0

Finale

👉 [2] France 🇫🇷 bat [1] Angleterre 🏴󠁧󠁢󠁥󠁮 : 2-1

ET MAINTENANT ?

Après ce succès historique, les équipes de France vont-elles surfer sur la vague ? Première réponse ce weekend avec le Tournoi des 5 Nations, si la hiérarchie est respectée les -13 et les -15 retrouveront, comme d'habitude, leurs homologues anglais dimanche dans la rencontre décisive pour la médaille d'or. Ensuite, il y aura le championnat d'Europe -15/-17 ans, du 9 au 12 mai à Porto (Portugal). Sans Lauren Baltayan, qui aura fêté ses 17 ans le 5 mai, mais avec Amir Khaled-Jousselin dans le rôle de locomotive ...

Rendez-vous mercredi pour notre présentation du Tournoi des 5 Nations, qui se déroule de vendredi à dimanche au Pays de Galles