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CAMILLE SERME : « CETTE SEMAINE À NANTES A ÉTÉ INCROYABLE ! »

Événements 16/09/2019

Quelques mois après le titre de championnes d'Europe des Bleues, le squash féminin Tricolore a connu un nouveau succès majeur le weekend dernier : portée par un public Nantais en fusion, Camille Serme a remporté l'open de France au château des Ducs de Bretagne.

Vainqueur de l'Américaine Amanda Sobhy à l'issue d'une très belle finale, la numéro 3 mondiale lance parfaitement une saison 2019-2020 qui, on l'espère, doit lui permettre d'atteindre ses objectifs ultimes : la place de numéro 1 et le titre mondial. À 30 ans, elle n'a jamais semblé aussi forte.

Jérôme Elhaïk : Bonjour Camille. Est-ce que tu as réussi à trouver le sommeil après cette folle soirée à Nantes samedi ? Est-ce que tu retiens une image ou un moment en particulier ? 

Camille Serme : Je dois avouer qu'avec l'excitation, je n'ai pas beaucoup dormi ! Sinon, il n'y a pas spécialement une image ou un moment qui me vient en tête, c'est toute cette semaine à Nantes qui a été incroyable : ce lieu unique et magnifique dans lequel nous avons eu la chance de jouer, et l'ambiance, comme on a rarement l'occasion d'en vivre sur le circuit. Le public nous a portés, et je trouve ça génial qu'Amanda Sobhy ait apprécié autant que moi alors que les gens étaient de mon côté !

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Camille Serme, reine de l'open de France 2019 (Crédit photo : Lauranne Rochais)

J.E. : Du coup, tu ne dois pas regretter d'avoir choisi Nantes plutôt que Shanghai (NDLR : en 2018, Camille avait été en finale de ce tournoi Gold, à la dotation supérieure et offrant plus de points pour le classement mondial, alors que l'open de France était un tournoi Silver) ? 

C.S. : J'en rediscutais avec mes parents tout à l'heure, et on se disait que j'avais fait le bon choix. Pour être honnête, la question s'était posée avec mon staff mais on n'avait pas hésité très longtemps avant de répondre favorablement à la demande des organisateurs. On a tellement peu de grands évènements en France, j'étais heureuse de venir représenter mon pays. 

J.E. : Malgré ta victoire, tu vas peut-être reculer de la 3ème à la 4ème place au classement mondial. 

C.S. : En effet, car Nour El Tayeb, qui est actuellement 5ème a gagné en Chine, mais ça dépendra aussi des résultats à San Francisco (24-30 septembre, tournoi Gold). Mais de toute façon ce n'est pas très grave à court terme, car être 3ème ou 4ème ne change rien pour les tableaux des tournois majeurs.

« Je ne savais pas que mon frère et sa femme allaient venir, je n'ai pas pu retenir mes larmes quand je les ai vus après le match »

J.E. : Où est-ce que tu classes cette victoire parmi les meilleurs souvenirs de ta carrière individuelle ? Ton entraîneur (Philippe Signoret) me disait que pour lui c'était en-dessous de tes trois victoires en World Series, mais vraiment pas loin ... 

C.S. : Je suis d'accord. J'avais pleuré juste après ma victoire au British Open, à l'US Open et au Tournament of Champions mais samedi ça n'a pas été le cas (rires). Par contre, je n'ai pas pu retenir mes larmes lorsque j'ai vu mon frère et sa femme dans les tribunes ! 

J.E. : Tu ne savais pas qu'ils allaient venir (NDLR : Lucas et Anna Serme venaient tout juste de rentrer d'un tournoi à Hong Kong) ? 

C.S. : Non c'était une surprise, et c'est seulement une fois le match terminé que j'ai vu qu'ils étaient là. C'est une victoire particulière, car elle a eu lieu en France, devant mon staff, ma famille et mes amis.

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Camille en compagnie de ses parents, mais aussi de son frère Lucas et sa femme Anna, qui lui ont fait la surprise de venir assister à la finale (Crédit photo : Lauranne Rochais)

J.E. : Ce titre à l'open de France est également ton premier depuis février 2017 ! Est-ce que tu y pensais souvent, et as-tu été tentée de disputer des tournois moins importants, par exemple des 50 00 $, pour regagner un titre ? 

C.S. : J'y pensais effectivement, mais il ne faut pas que ça devienne une obsession sinon l'enjeu peut prendre le pas sur le jeu. Pour répondre à ta deuxième question, non je n'ai pas envisagé cette option car avec mon classement, si je gagne un tournoi de cette catégorie ça fait baisser ma moyenne de points. 

J.E. : On sait que tu es quelqu'un d'assez réservée, est-ce compliqué à gérer d'être sous les feux des projecteurs et d'avoir une salle remplie qui scande ton nom ? 

C.S. : Il faut être honnête, avoir l'attention sur soi et être autant soutenue, c'est plutôt agréable. D'autre part, je m'y suis habituée et je suis plus à l'aise lorsqu'il s'agit de prendre la parole en public.

« C'est agréable d'être autant soutenue »

J.E. : Tu avais d'autant plus ce rôle de porte-drapeau du squash Tricolore que Grégory Gaultier est actuellement blessé, et que Grégoire Marche avait été éliminé en demi-finale.

C.S. : J'aurais préféré que Greg se qualifie, ça aurait été cool d'avoir deux Français en finale. Mais je crois que je gère plutôt bien cette pression, et j'étais fière de représenter la France ainsi que le squash féminin. 

J.E. : Tu parlais de soutien. Tu as reçu d'innombrables messages de félicitations, notamment sur les réseaux sociaux, sur lesquels tu es très présente. 

C.S. : J'ai l'impression que cette victoire a eu un impact au moins aussi important que mes trois gros titres précédents, sans doute parce que c'était en France. J'ai commencé à lire les messages samedi soir avant de me coucher et j'ai recommencé dimanche matin quand je n'arrivais plus à dormir (rires). Je voulais également regarder le résumé du match, mais il n'était pas encore en ligne. Oui c'est important et je prends généralement le temps de le faire, notamment car je considère que c'est une manière de savourer les victoires.

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À l'issue d'une finale qui a fait honneur au squash féminin, Camille Serme est venue à bout de l'Américaine Amanda Sobhy en quatre jeux (Crédits photo : Ladies Squash, Mikphotos.fr, Lauranne Rochais, Nicolas Barbeau)

J.E. : Même si ce n'était pas le plus grand titre de ta carrière, le fait d'avoir battu deux très bonnes joueuses en demi et en finale – Hania El Hammamy et Amanda Sobhy, qui selon moi jouent au-dessus de leur classement en ce moment – lui donne-t-il encore davantage de valeur ? 

C.S. : Tout à fait, et surtout être tête de série n°1 d'un tournoi et devoir défendre son rang, ce n'est pas facile. Je suis très satisfaite d'avoir su gérer ce statut. 

J.E. : À l'issue de la finale, ton entraîneur disait qu'Amanda Sobhy l'avait surpris, notamment côté revers qui n'est pas son coup fort habituellement. Quel est ton avis ? 

C.S. : J'avais regardé ses matches précédents du tournoi en vidéo : elle a évolué à un niveau nettement plus élevé en finale, surtout en termes de précision. Elle était tête de série n°3 et avait battu une joueuse mieux classée qu'elle au tour précédent (NDLR : l'Anglaise Sarah-Jane Perry). Je pense donc qu'elle a abordé ce match sans pression et c'est souvent dans ce genre de situations qu'on produit son meilleur squash.

« Toute la semaine, je me suis sentie très bien physiquement »

J.E. : Néanmoins, dans l'ensemble tu as contrôlé le match, et même après la perte du premier jeu tu n'as pas semblé inquiète. 

C.S. : Tout à fait, car je savais que physiquement j'avais les moyens de prendre le dessus. 

J.E. : Ça tombe bien que tu parles du physique : j'ai été frappé – et je pense ne pas être le seul – par ta métamorphose (le terme est peut-être un peu fort) en matière d'explosivité, de vitesse de déplacement etc. 

C.S. : Je me sentais très bien sur le court et je bougeais bien, dès le premier match d'ailleurs. Contre Coline Aumard, lorsqu'elle faisait des fixations, j'arrivais à aller sur les balles relativement facilement. On a énormément travaillé pendant l'été et ça fait plaisir de voir que ça paye déjà. 

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En compagnie de leur nouveau préparateur physique Frédéric Pfeferberg et leur entraîneur Philippe Signoret, les filles du pôle France ont effectué une grosse préparation estivale (Crédit photo : Camille Serme)

J.E. : Ce travail a été effectué avec votre nouveau préparateur physique, Frédéric Pfeferberg. Philippe Signoret disait que ça n'avait pas été facile de vous faire accepter ce changement. 

C.S. : Je travaillais depuis très longtemps avec Frédéric Roualen (NDLR : également préparateur physique de l'équipe de France féminine de judo, qui ne pouvait pas être présent à plein temps), et il y avait une véritable affection entre nous. D'autre part, les contenus des séances de Frédéric Pfeferberg nous ont un peu surpris, il y avait beaucoup de travail en salle et j'ai eu peur de prendre trop de masse musculaire. J'étais hermétique dans un premier temps, mais j'ai décidé de lui faire confiance et je ne le regrette pas, d'autant que c'est quelqu'un de très attachant sur le plan humain. 

J.E. : Ils ont l'air de former un duo très complémentaire avec Philippe. 

C.S. : Complètement, ils se sont bien trouvés (rires). Fred est un passionné comme lui, et je crois que Philippe avait besoin de ça pour ne pas tomber dans la routine et s'essouffler. Concernant la préparation, ils nous avaient prévenues que les effets ne seraient pas forcément immédiats, donc c'est très encourageant que les résultats soient déjà là.

« On me dit que j'ai encore une grosse marge de progression, est-ce que j'étais nulle avant (rires) ? »

J.E. : J'ai posé la même question à Philippe, mais est-ce que vous n'avez pas quelques regrets de ne pas avoir fait ce genre de préparation plus tôt ?

C.S. : Pas du tout. La vie est faite de rencontres et il faut croire que c'était le bon moment pour celle-là … Peut-être qu'avant je n'aurais pas eu la maturité nécessaire. D'autre part, j'étais très contente du travail effectué avec Fred Roualen, et j'ai eu de super résultats dans le passé. C'est marrant car tout le monde me dit que j'ai une grosse marge de progression, à croire que j'étais nulle avant (elle éclate de rire) !

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Camille Serme et son staff, de gauche à droite : Frédéric Pfeferberg (préparateur physique), Florent Ehrstein (kiné) et Philippe Signoret (entraîneur) (Crédit photo : Lauranne Rochais)

J.E. : Plus sérieusement, ce gros travail physique te permet d'adopter un style encore plus offensif et plus agressif qu'auparavant, et on a d'ailleurs pu constater que tu variais énormément tes attaques. 

C.S. : En fait, j'ai également beaucoup travaillé la puissance des frappes au fond du court, mais pendant mon match contre Nour El Tayeb au tournoi exhibition à Seattle (NDLR : elle s'était lourdement inclinée), Philippe a constaté que je jouais trop dans ce registre. Il m'a dit qu'il fallait que je recommence à attaquer ! Du coup, pendant que lui et les filles étaient au championnat d'Europe, j'ai bossé dans ce secteur du jeu avec Malcolm Tullis. J'ai également fait des matches d'entraînement avec un petit jeune qui est désormais avec nous à Créteil (rires), Manu Paquemar (n°2 français en -19 ans), qui m'a rassuré sur la qualité de mes attaques. Je lui avais promis que si je gagnais à Nantes je lui ferais une petite dédicace, donc voilà ! 

J.E. : Dans un entretien que tu m'avais accordé il y a quelques mois (voir CAMILLE SERME : « TROIS ANS POUR DEVENIR NUMÉRO 1 MONDIALE »), tu m'avais parlé de ton ambition d'être n°1 mondiale et championne du monde dans les trois ans, avant de fonder une famille. Philippe pense qu'avec ton jeu qui évolue en permanence, tu pourrais jouer encore 10 ans ..

C.S. : Il t'a dit ça (rires) ? C'est marrant parce que l'autre jour Coline me disait « mais en fait si tu remplis tes objectifs avant ces trois ans, tu vas arrêter ? » Personnellement, je ne vois pas les choses comme ça, on a défini cette échéance pour me fixer un objectif. Et de toute façon, on ne sait jamais ce que la vie nous réserve.

« J'aime les challenges, et revenir après avoir eu un enfant pourrait en être un ... »

J.E. : Tu m'avais également dit que tu n'écartais pas la possibilité de reprendre ta carrière après avoir eu un enfant. Or cette semaine, Kim Clijsters a annoncé qu'elle allait faire un deuxième retour, à l'âge de 36 ans (NDLR : la joueuse de tennis Belge, plusieurs fois titrée en Grand Chelem était revenue en 2009 après sa première grossesse, avant d'arrêter à nouveau en 2012. Elle a maintenant 3 enfants) ...

C.S. : C'est vrai ? Je n'étais pas du tout au courant, c'est incroyable. Il y a pas mal de gens qui me disent que ce n'est pas une bonne idée, mais  j'aime les challenges et c'en serait un ! D'un autre côté, je suis consciente qu'un enfant ne peut pas s'élever tout seul … On en discutera avec mon mari (NDLR: Quentin Urban, kayakiste professionnel qui a remporté deux médailles dont une d'or aux championnats de France le weekend dernier) et on prendra une décision mûrement réfléchie le moment venu.

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Quentin Urban n'était pas aux côtés de son épouse à Nantes (comme ici au lors de sa victoire championnat de France en février) et pour cause : le kayakiste a remporté deux médailles nationales le weekend dernier ! (Crédit photo : Camille Serme) 

J.E. : Quel est ton programme pour ces prochains jours ? 

C.S. : J'ai un rendez-vous chez le chiropracteur demain (lundi) pour remettre tout ça en place (rires). Au départ, j'étais censée m'entraîner, mais le deal avec mon staff était que si je gagnais le tournoi j'aurais droit à une journée de repos … Ensuite retour à l'entraînement, et dans quelques jours on part à San Francisco. 

J.E. : Après ce tournoi (24-30 septembre), il y aura l'US Open (5-12 octobre), puis fin octobre le championnat du monde individuel, qui est l'objectif de ta saison. Le tableau est sorti dimanche, est-ce que tu l'as regardé ? 

C.S. : Non je n'ai pas eu le temps, mais Philippe m'a envoyé un message pour dire que je pourrais retrouver Amanda Sobhy en quart de finale. 

J.E. : Tu seras opposée à Reeham Sedky au premier tour, puis ensuite normalement Millie Tomlinson et Joey Chan ou Yathreb Adel. 

C.S. : Je crois que Reeham a une grave blessure au genou, donc il est fort possible qu'elle se retire. Et Yathreb Adel, ça serait un match difficile dès les 1/8è de finale. 

J.E. : Dernière question : je parlais avec Philippe et Frédéric Pfeferberg du fait qu'un athlète de très haut niveau et les membres de son staff ont toujours des choses à travailler ou à améliorer. Quand on est passionné, c'est facile de déconnecter ? 

C.S. : Je pense que j'y arrive, mais je crois que c'est plus difficile pour eux (rires). Par exemple, même si je suis censée avoir une journée de repos demain, je suis sûre qu'ils vont m'appeler pour faire une séance d'analyse vidéo !

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Camille Serme a fait chavirer de bonheur le public Nantais (Crédit photo : Ladies Squash) 

 

 Ne manquez pas la deuxième et dernière partie de notre compte-rendu de l'open de France - Nantes 2019 - Presented by Tailor Capital, avec un retour sur cette semaine exceptionnelle. À paraître dans les prochains jours.

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