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CAMILLE SERME : « TROIS ANS POUR DEVENIR NUMÉRO 1 MONDIALE »

Équipe de france 08/04/2019

Plus grande joueuse de l'histoire du squash féminin tricolore, Camille Serme a fêté ses 30 ans il y a quelques jours. Avec l'aide de son entraîneur Philippe Signoret, la Française s'est donnée trois ans pour devenir numéro 1 mondiale.

À ce carrefour important de son parcours, elle a accepté de balayer tous les sujets : ses axes de progression, l'après-carrière, l'échec de la candidature olympique, la situation du squash féminin dans l'hexagone etc. Entretien vérité avec la numéro 4 mondiale.

Jérôme Elhaïk : Bonjour Camille. Tout d'abord bon anniversaire, avec quelques jours de retard. Tu viens d'avoir 30 ans : est-ce juste un chiffre, ou penses-tu souvent à ton âge et aux années qui passent ? 

Camille Serme : Merci. 30 ans, c'est un cap important, et on en a donc profité avec Philippe (NDLR : Signoret, son entraîneur de toujours) pour faire le point, comme on l'a fait régulièrement à différentes étapes de ma carrière. 

J.E. : Quels sont les principaux enseignements qui sont ressortis de ces discussions ? 

C.S. : Qu'on avait encore tous les deux envie d'atteindre des objectifs élevés, et qu'on était prêts à s'en donner les moyens. On s'est mis d'accord qu'on allait tout mettre en œuvre pour atteindre nos buts ultimes au cours des trois prochaines années, à savoir que je sois championne du monde et/ou numéro 1 mondiale. On va donc continuer à mettre de nouvelles choses en place, que ce soit au niveau du contenu des mes entraînements, de mon staff etc..

Interview Camille Serme avril 2019 Photo 1

Avec l'aide de son entraîneur de toujours Philippe Signoret, Camille Serme a constamment cherché à évoluer au cours de sa carrière (Crédit photo : SquashSite)

J.E. : Tu parles de nouvelles choses, peux-tu me donner un exemple concret ? 

C.S. : L'une des nouvelles pistes que nous allons explorer est l'hypnose. Philippe m'a récemment conseillé un livre sur cette thématique, et nous allons nous tourner vers un spécialiste très prochainement. Cette idée vient du fait que j'ai encore des progrès à faire en termes de représentation mentale. Cela peut se traduire par un meilleur replacement sur le court, une meilleure appréciation des trajectoires etc. 

J.E. : Quand on met de nouvelles choses en place, est-ce que ça signifie qu'on doit en abandonner certaines autres ? 

C.S. : Pas forcément, et je souhaite continuer à pratiquer le Pilates et le yoga, qui me sont très bénéfiques. Cela nécessitera simplement quelques aménagements au niveau de mon emploi du temps.

« Le niveau du circuit féminin a augmenté, et pour regagner des grands titres il faut que j'aille encore plus loin »

J.E. : Les trois grands titres que tu as remportés (voir Bio en bas de page) datent de 2015, 2016 et 2017. As-tu as le sentiment qu'il y a des choses que tu n'es pas parvenue à reproduire depuis, et est-ce qu'il y a aussi une part de chance ? 

C.S. : Je pense que la chance n'a rien à voir là dedans. Je m'étais un peu égarée (sic) dans mon jeu en 2017-2018, mais cette saison j'ai retrouvé les éléments qui faisaient ma force. D'ailleurs, on m'a dit que je rejouais au même niveau qui m'avait permis de décrocher ces titres. Seulement voilà, entre temps le niveau du circuit féminin a augmenté et il est de plus en plus dense. Si je veux regagner des grands titres, il faut donc aller encore plus loin, dans tous les domaines.

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Camille est prête à tout mettre en œuvre pour connaître à nouveau les émotions vécues lors de ses trois grands titres (Crédits photo : US Open Squash, ToC Squash, British Open Squash)

J.E. : Tu parles du niveau et de la densité du circuit. Pour s'imposer sur un tournoi Platinum, il faut battre plusieurs Égyptiennes, dont les numéros 1 et 2 mondiales Raneem El Welily et Nour El Sherbini. Si la hiérarchie est respectée, tu pourrais d'ailleurs retrouver cette dernière, que tu as affrontée à de nombreuses reprises cette saison, en demi-finale lors des deux prochains tournois (NDLR : DPD Open à Eindhoven, où elle rentre en lice jeudi, et El Gouna).

C.S. : C'est vrai, mais je ne me focalise pas sur elles car il y a beaucoup d'autres joueuses dangereuses. Par exemple Joelle King, mais aussi Amanda Sobhy et Tesni Evans, deux joueuses qui ne sont pas dans le top 8 et que je peux donc rencontrer dès les 1/8è de finale dans les gros tournois. Cela pourrait d'ailleurs être le cas pour Tesni à El Gouna. Du coup, je ne me projette pas et la route est longue avant de pouvoir envisager des retrouvailles avec Nour. 

J.E. : Tu as évoqué une échéance à trois ans. Je suppose que cette décision est liée à ta volonté de fonder une famille (NDLR : Camille s'est mariée en décembre dernier avec le kayakiste Quentin Urban) ? 

C.S. : Tout à fait. À la base, mon souhait était de ne pas trop attendre pour avoir des enfants. Mais j'étais prête à pousser (sic) jusqu'à 35 ans, en raison de la possibilité de disputer les Jeux Olympiques à Paris en 2024. Ça ne sera malheureusement pas le cas, et ça a changé la donne.

« Revenir après avoir eu un enfant est un défi qui pourrait me plaire »

J.E. : Avant d'aborder le sujet des JO plus en détails, est-ce que tu envisages un comeback sur les courts après une maternité, comme ont pu le faire une Natalie Grinham, ou quelques joueuses de tennis ?

C.S. : Une seule chose est sûre, je n'ai pas du tout fermé la porte à cette éventualité. Je suis quelqu'un qui aime les défis, et celui de revenir après avoir eu un enfant pourrait me plaire … Mais on n'en est pas encore là, et je suis bien consciente qu'il y a des contraintes logistiques quand on se trouve dans ce cas de figure. 

J.E. : Revenons sur la décision du COJO de ne pas inclure le squash dans sa liste de sports additionnels. Toi qui t'es énormément investie pendant la candidature, comment as-tu accueilli cette mauvaise nouvelle ? 

C.S. : Je dois dire que ça m'a chamboulé, d'autant que comme je te le disais précédemment j'avais planifié la suite de ma carrière en fonction de cette échéance. C'est aussi pour ça qu'avec Philippe nous avons redéfini nos objectifs, car j'avais besoin de repartir sur autre chose après cette déception. Le fait que le championnat du monde ait commencé juste après l'annonce de la décision nous a également aidé à passer à autre chose.

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Ici lors d'une réunion à Paris début janvier, Camille Serme s'est beaucoup investie pour la candidature olympique du squash, en vain (Crédit photo : PSA World Tour)

J.E. : Justement, est-ce que vous avez abordé le sujet entre joueurs à Chicago ? 

C.S. : Les premiers jours, on en a beaucoup parlé entre français, mais pas trop avec les étrangers. Mais encore une fois, chacun était focalisé sur le championnat du monde, la plus grosse échéance de la saison. 

J.E. : Avec quelques semaines de recul, est-ce que vous avez pu analyser cette décision ? 

C.S. : Je dois dire que nous sommes sans réponse, on n'en comprend pas les raisons. Mais il y a beaucoup d'éléments qu'on ne maîtrise pas, politiques et autres.

« On ne comprend pas les raisons de la décision du COJO »

J.E. : Les instances vont maintenant devoir décider s'il faut à nouveau postuler pour les Jeux de Los Angeles en 2028. 

C.S. : C'est en effet une très bonne question. Est-ce que ça vaut le coup d'investir à nouveau énormément d'argent et d'énergie, alors qu'on ne comprend pas pourquoi notre candidature a été rejetée ? C'est difficile pour moi de me prononcer car je ne serai plus joueuse professionnelle dans neuf ans, mais je n'en suis pas sûre. Je ne suis pas certaine non plus que le fait que les Jeux aient lieu aux États-Unis ait une réelle influence, même si notre discipline y est en plein boom. 

J.E. : Le squash ne devrait-il pas arrêter de se focaliser sur les JO, mais plutôt se satisfaire des choses qui fonctionnent bien à l'heure actuelle ? Si l'on y réfléchit, plusieurs sports olympiques ne bénéficient pas d'un circuit professionnel aussi développé. 

C.S. : Complètement. On vient juste d'avoir un championnat du monde avec 1 million de dollars de dotation, et il y a de plus en plus de tournois féminins de grande envergure. Mon mari est kayakiste professionnel, et même si sa discipline est olympique nous sommes en effet mieux lotis qu'eux en termes de revenus. Il me le rappelle tous les jours, et ça me permet de ne pas oublier que nous avons de la chance (rires) ! 

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Camille et son mari Quentin Urban mènent tous les deux leur carrière de sportif de haut niveau (Crédit photo : Camille Serme)

J.E. : Tu parlais des dotations à l'instant, qui ont considérablement augmenté depuis tes débuts, du moins pour les top players. Je suppose que cette amélioration se ressent quand on est joueuse ? 

C.S. : Bien sûr, même si c'est difficile pour moi de comparer car je n'avais pas le même classement. Mais si je prends l'exemple de mes partenaires d'entraînement, Mélissa Alves et Énora Villard, elles arrivent à s'en sortir financièrement, ce qui effectivement n'était pas possible pour des joueuses avec ce classement (NDLR : 46ème et 58ème mondiales, respectivement) il y a 10 ou 15 ans. 

J.E. : Une petite parenthèse concernant ton après-carrière, qu'envisages-tu pour ta reconversion ? 

C.S. : Plus j'avance dans ma réflexion, et plus je me dis que j'aimerais rester dans le squash. Pas forcément en tant qu'entraîneur, mais plutôt en partageant mon expérience via des stages etc. Une autre possibilité est de faire carrière dans le journalisme (NDLR : Camille possède une licence dans ce domaine et travaille au sein du service multimédia du Conseil départemental du Val-de-Marne, qui offre quelques postes à des sportifs professionnels).

« J'aimerais rester dans le squash après ma carrière de joueuse »

J.E. : Quand on est numéro 4 mondiale, est-ce qu'on a du temps libre à consacrer à autre chose, et si oui quelles sont tes passions en dehors du squash ? 

C.S. : C'est marrant que tu me poses cette question, car pour mon anniversaire, on m'a offert des cours de chant. Il va maintenant falloir que je trouve le temps de planifier les 7 heures avec le professeur, mais j'ai toujours adoré chanter ! Sinon, nous avons une passion commune avec Quentin, qui est la photo. 

J.E. : On parlait de Mélissa et d'Énora, quel est ton regard sur l'évolution du squash féminin français ? 

C.S. : Depuis que Mélissa nous a rejointes Coline et moi, nous avons trois joueuses dans le top 50 mondial. C'est la première fois, et c'est génial ! Énora n'en est plus très loin, et je suis persuadée qu'elle va y arriver très rapidement. Ces progrès se traduisent d'ailleurs dans les résultats de l'équipe de France. Néanmoins, on sait qu'il y a un creux dans les générations suivantes, et il faut constamment surveiller la possible relève.

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Camille Serme est très optimiste quant à la suite de la carrière de sa partenaire d'entraînement Mélissa Alves (Crédit photo : SiteSquash)

J.E. : Il y a quelques jours, Philippe me disait que si les françaises qui avaient fait leurs études aux États-Unis avaient opté pour le squash plutôt que pour une autre carrière, c'est selon lui car ta réussite les fait rêver. Ce rôle d'exemple est-il lourd à porter ?

C.S. : Comme je voyage beaucoup, je ne suis pas souvent en France et je peux avoir tendance à l'oublier. Mais j'en prends conscience lorsque je me déplace dans les clubs, et c'est un plaisir plutôt qu'un fardeau. C'est marrant que Philippe pense ça, tant mieux si c'est vrai ... 

J.E. : Tu es également très appréciée dans le squash français, notamment en raison de ta simplicité. En es-tu consciente ?

C.S. : Je m'en rends compte lorsque je rencontre des filles que je connais pas, comme c'était le cas lors de la journée d'Interclubs de samedi, et ça me fait évidemment très plaisir. J'agis de manière naturelle, j'essaie d'être toujours accessible, et je pense c'est ce que les gens apprécient. 

« J'ai rêvé qu'on gagnait le championnat d'Europe avec l'équipe de France »

J.E. : Un sujet que vous avez souvent évoqué Philippe et toi par le passé, c'est ton émotivité, assez rare pour une athlète de ton calibre. Est-ce que tu as progressé à ce niveau ? 

C.S. : Oui, heureusement (rires) ! Grâce notamment aux séances de yoga, et au travail effectué avec mon préparateur mental Makis Chamalidis.

J.E. : Je me rappelle d'une phrase de Philippe dans un article qui t'était consacré dans l'Equipe, où il disait : « Camille a eu du mal à identifier ses qualités, à comprendre pourquoi elle était forte. Elle peut encore penser qu'elle doit une victoire à un simple moment de grâce. » Est-ce que tu as également évolué dans ce domaine ?

C.S. : Avec le temps, j'ai pris davantage confiance en moi, et je connais mieux mes points forts et mes points faibles. Et le fait de parler de mes matches avec Mélissa et Énora m'aide également à prendre conscience de ce que j'accomplis.

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Camille n'hésite jamais à donner de son temps, notamment auprès des jeunes (Crédit photo : Anthony Henriques) 

J.E. : Un mot sur Mélissa Alves, quel est ton regard sur son évolution très rapide cette saison ? 

C.S. : Elle a encore des progrès à faire sur le plan technique. Mais elle a une vision du jeu innée, alors que moi c'est quelque chose que j'ai dû travailler (rires). C'est sa première année sur le circuit, et elle a encore beaucoup de choses à apprendre. Il y a dix jours, elle a vécu une défaite qui lui a fait mal (NDLR : contre Rachael Chadwick en quart de finale d'un 11 000 $ à Manchester), mais avec Énora on lui explique que se relever après un échec fait partie de la vie d'une joueuse professionnelle. De la même manière, cette semaine elle a atteint la finale en Écosse sans forcément bien jouer, mais ça fait aussi partie du processus. Gagner en jouant mal, c'est quelque chose que je ne savais pas faire auparavant mais j'ai appris ... En tous les cas, elle a de grosses capacités et je la vois aller très loin. 

J.E. : On parle des progrès des joueuses françaises, et le championnat d'Europe par équipe arrive à grands pas (NDLR : du 1er au 5 mai à Birmingham). Vous pourrez sans doute viser le titre à moyen terme, mais penses-tu qu'un premier sacre est possible dès cette année ? 

C.S. : J'aime à croire que oui … J'en ai même rêvé ! Qui sait, c'est peut-être un signe, car mes rêves ont souvent eu une influence sur mes choix au cours de ma carrière ... 

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Après six médailles d'argent, Camille Serme est convaincue que l'équipe de France peut faire chuter l'Angleterre dès cette année au championnat d'Europe (Crédit photo : European Team Championship 2018) 

 

CAMILLE SERME - BIO

Interview Camille Serme avril 2019 Photo 8

 Crédit photo : Rob White

30 ans, n°1 française, 4ème mondiale (meilleur classement 2ème en 2017)

Club : US Créteil Squash

Entraîneur : Philippe Signoret

International

- Vainqueur du British Open 2015, de l'US Open 2016 et du Tournament of Champions 2017

- Demi-finaliste du championnat du monde 2010, 2017, 2018 et 2019

- 6 fois championne d'Europe individuelle

- Vainqueur des Jeux Mondiaux 2017

Vice-championne du monde junior 2007

Vainqueur du British Junior Open U17 en 2006 et U19 en 2008

- Championne d'Europe junior 2006, 2007 et 2008 

Équipe de France

- Médaillée de bronze au championnat du monde par équipe 2016 et 2018

- 6 fois vice-championne d'Europe par équipe

- Vice-championne d'Europe par équipe -19 ans 2007 et 2008

National

- 10 fois championne de France senior individuelle

- 10 titres de championne de France individuelle en jeunes

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