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YANN MENEGAUX : « ON EST ENGAGÉS DANS UN PROJET À LONG TERME »
Équipe de france 23/04/2024Après avoir passé de nombreuses années à la tête de l’équipe de France junior, Yann Menegaux est responsable du projet de performance féminin depuis le début de la saison.
Entretien avec celui qui va vivre son premier championnat d’Europe par équipe à la tête des Bleues dans quelques jours.
Propos recueillis par Jérôme Elhaïk
Yann, pour ceux qui ne le connaitraient pas, peux-tu nous résumer ton parcours et ce qui t’a amené vers le squash ?
« Mon père y jouait, en ce qui me concerne j’ai commencé à seulement 14 ans, avec Xavier Martellino à Saint-Étienne. Dans ma jeunesse, j’étais surtout concentré sur la gymnastique et la natation, que je pratiquais à un bon niveau. J’ai néanmoins arrêté ces deux activités à 16 ans, à cause d’un changement d’entraîneur. »
Comme quoi, la relation entre un athlète et son coach était déjà importante pour toi à l’époque …
« C’est clair. À partir de là, je me suis tourné vers le squash, j’ai intégré le pôle espoirs du Mans où j’ai été formé par Benoit Letourneau, Thierry Le Bihan et John Elstob. »
Yann Menegaux (en gris) a succédé à Philippe Signoret (à gauche) à la tête de l'équipe de France féminine (Crédit photo : FFSquash)
Est-ce que tu as envisagé de faire une carrière pro ?
« Oui, c’était dans un coin de ma tête. Cela dit, en ayant commencé aussi tard je partais de loin, et surtout j’ai vite réalisé que ça coûtait énormément d’argent et mes parents s’étaient déjà saignés (sic) pour moi. À l’époque, il y avait beaucoup moins d’argent dans le squash que maintenant. Du coup je me suis tourné vers l’enseignement, j’avais fait des études de STAPS et pendant un temps j’avais envisagé d’être professeur d’éducation physique. »
« N'ayant pas pu être athlète de haut niveau, j'avais une vraie volonté de devenir entraîneur. »
Je crois que tu as obtenu ton Brevet d’État 1er degré très jeune, n’est-ce pas ?
« En effet, à 20 ans, ensuite, j’ai notamment été conseiller technique de Ligue de la Martinique. Puis j’ai passé mon professorat du sport en 2006, et j’ai intégré la Fédération Française de Squash lorsque Bertrand Bonnefoy était DTN. Pendant près de 20 ans, je me suis occupé des jeunes du pôle espoirs, d’abord à Créteil, à Chatenay-Malabry puis à Aix-en-Provence. J’avais une vraie volonté d’exercer dans le sport de haut niveau, après ne pas avoir été en mesure de le faire en tant qu’athlète. »
Yann Menegaux (deuxième en partant de la droite) a récolté de nombreuses médailles avec les équipes de France jeunes, avec en point d'orgue le titre européen par équipe en -17 ans en 2023 (Crédit photo : squashPage.net)
Comment as-tu été amené à prendre la tête de l’équipe de France féminine ?
« Je crois que j’étais arrivé au bout de l’aventure avec les juniors. Évidemment, c’est quand je ne suis plus leur entraîneur qu’ils ont remporté le championnat d’Europe par équipe -19 ans pour la première fois (rires). Le DTN, Éric Silvestri, m’a confié ce nouveau poste, ainsi que la responsabilité de mettre en œuvre le projet fédéral pour le squash féminin. Le départ à la retraite de Camille Serme, qui était notre porte-drapeau depuis de très nombreuses années, est un tournant. L’une de mes missions, c’est de servir de coordonnateur pour toutes les joueuses qui évoluent sur le circuit international, ainsi que celles au niveau juste en-dessous, et qui sont disséminées dans plusieurs endroits Je pense par exemple à Kara Lincou et Ella Galova, qui sont parties étudier aux États-Unis. C’est plus facile de mener un double projet sport & études là-bas qu’en France, on a donc l’assurance qu’elles vont continuer à jouer au squash pendant ces quatre ans, et on est en contact régulier avec elles. »
« Ma mission, c'est d'encadrer l'équipe de France mais aussi de mettre en œuvre le projet fédéral pour le squash féminin. »
L’autre volet important, c’est d’élargir la base. Selon toi, quels sont justement les leviers pour attirer davantage de jeunes filles vers notre discipline ?
« Récemment, il y avait une cinquantaine de participantes à l’open national des Allumées, mais la moyenne d’âge était assez haute et il y avait peu de jeunes. Tout part de la base, et des écoles de squash. Les filles sont moins naturellement attirées par la compétition que les garçons, elles se dirigent vers un sport pour d’autres raisons. Par exemple, pour passer du temps avec leurs copines, c’est comme cela que les jeunes Corses, qui sont nombreuses en sélection, sont venues au squash. Par contre, je ne suis pas convaincu que la mixité au sein des écoles de jeunes soit idéale. Il y a un vrai delta au niveau de la puissance de frappe, et ça peut en décourager certaines. Même si elles ne sont pas très nombreuses, ce serait préférable, selon moi, de constituer des groupes exclusivement féminins. »
Lauren Baltayan, coachée ici par Yann Menegaux pendant le dernier British Junior Open, est le grand espoir du squash tricolore (Crédit photo : SquashSite)
Concernant le championnat d’Europe, l’équipe de France féminine a terminé 4ème des deux dernières éditions, j’imagine que vous avez très envie de remonter sur le podium ?
« Tout à fait, mais on sait aussi que ça ne va pas être simple. Le championnat ressemblera beaucoup à celui de l’année dernière, avec l’Angleterre, la Belgique des sœurs Gilis, et le Pays de Galles. Non seulement Tesni Evans revient en forme, mais en plus leur numéro 3 Lowri Roberts a bien joué récemment. Si on joue à notre niveau, on devrait passer la poule et aller en demi-finale, mais si on veut accrocher le podium il faudra forcément que l’une de nos joueuses réalise une grosse performance à un moment donné. Au-delà du championnat d’Europe, on est engagés dans un projet à moyen/long terme, qui se poursuivra avec le championnat du monde en décembre. »
« Ça ne va pas être facile de monter sur le podium au championnat d'Europe, on aura besoin de grosses performances de la part de nos joueuses. »
Quel est ton regard sur la saison des joueuses françaises ?
« Lauren Baltayan a beaucoup progressé, alors que Mélissa Alves, Marie Stéphan et Énora Villard se sont plus ou moins maintenues dans la hiérarchie mondiale. Quand on ne dispute que les tournois Platinum, on ne joue pas beaucoup de matches et le deal avec Marie et Énora était qu’elle retournent sur le circuit Challenger. Ça n’a pas forcément débouché sur un grand nombre de victoires, ça aurait préférable qu’il y en ait davantage pour la confiance, mais au moins elles ont matché lors de ces tournois. Et un championnat d’Europe, c’est complètement différent du circuit. »
Yann Menegaux, ici en compagnie d'Énora Villard et Marie Stéphan, a observé attentivement les performances des joueuses françaises à El Gouna (Crédit photo : SiteSquash)
Le stage qui va précéder le championnat d’Europe, ce sera un moment important ?
« Complètement. Toute la complexité d’une compétition par équipe, c’est qu’il faut réunir des joueuses qui sont adversaires sur le circuit, et à plus long terme pour une sélection olympique dont on ne connaît pas encore les critères. Le squash est un sport individuel, chacun a ses ambitions personnelles. Un stage de préparation, c’est donc l’opportunité de définir les valeurs du groupe, et de s’assurer que tout le monde est en accord avec elles. »