Tête de série n°3, la France est le principal outsider derrière l'Égypte et l'Angleterre et vise le podium. Voire plus si affinités ... 

Article de Jérôme Elhaïk

Depuis le début des années 2000, et l’avènement de ses deux monstres sacrés Thierry Lincou et Grégory Gaultier (anciens champions du monde et numéros 1 mondiaux), le squash masculin tricolore est devenu un acteur incontournable à l’échelle planétaire. Pour preuve, les Bleus sont montés 6 fois sur le podium lors des 8 derniers championnats du monde par équipe. « N’oublions pas non plus qu’il y a eu deux éditions annulées récemment*, » précise Renan Lavigne, qui a participé à de nombreuses campagnes en tant que joueur avant de prendre le poste d’entraîneur national en 2012. « En 2015, on pouvait viser le titre, avec un Grégory Gaultier qui venait d’être sacré champion du monde et un Mathieu Castagnet dans la forme de sa vie. L’annulation d’il y a deux ans, seulement quelques jours avant la compétition, a également été très dure à avaler pour les joueurs. »

Renan Lavigne est à la tête de l'équipe de France masculine depuis 2012 (Crédit photo : Retteri Lepo)

Par rapport à 2019, le groupe a été renouvelé de moitié. Gaultier et Castagnet ont pris leur retraite, alors que Victor Crouin et Auguste Dussourd feront leurs premiers pas dans l’épreuve aux côtés de Baptiste Masotti et Grégoire Marche. Mais l’objectif reste le même : un podium au minimum, « voire plus si affinités, » dixit Lavigne. « La donne a changé avec l’arrivée des frères ElShorbagy dans l’équipe d’Angleterre, qui leur garantit le statut de tête de série n°2 auquel on aurait pu prétendre. Le tirage au sort déterminera si on est dans leur partie de tableau ou dans celle de l’Égypte. De toute façon, si on veut être champions du monde il faut battre les meilleurs. Les joueurs sont lucides sur la valeur de ces deux nations, tout en étant ambitieux. Comme ils le disent eux-mêmes, si on a fait le déplacement jusqu’en Nouvelle-Zélande ce n’est pas pour repartir les mains vides ! C’est aussi un investissement pour la Fédération, on a envie d’être à la hauteur. D’autre part, on ne connaît pas encore les critères de sélection mais en vue des JO 2028 tout résultat positif dans une compétition internationale est bon à prendre … »

*En 2015, le championnat du monde avait été délocalisé en Égypte suite à la suspension du Koweït par le CIO, puis définitivement annulé en raison d’attentats au Caire. L’édition 2021 avait été annulée en raison du refus par les autorités malaisiennes de délivrer des visas à la délégation israélienne.

La préparation pour ce championnat du monde par équipe 2023 a été un peu particulière. Plutôt que d’effectuer un stage, Renan Lavigne et ses hommes ont choisi de disputer des tournois PSA. Tout d’abord à Hong Kong, puis cette semaine en Nouvelle-Zélande, sur le même site qui accueille le championnat du monde. « Rien de tel que d’enchaîner les matches et les tournois pour se préparer, » estime l’entraîneur national. Cette configuration lui a également permis d’avoir ses quatre joueurs à disposition pendant plusieurs semaines. « C’est une bonne chose, même si ce sont des tournois individuels, et que chacun doit prendre du temps pour soi et a ses propres routines. S’ils sont performants cette semaine, et je suis convaincu que ce sera le cas, ce sera forcément bénéfique en termes de confiance. »

Baptiste Masotti pourrait retrouver Joel Makin en quart de finale de l'open de Nouvelle-Zélande cette semaine, un bon test avant le championnat du monde (Crédit photo : PSA World Tour)

Petit focus sur le tableau de l’open de Nouvelle-Zélande, tournoi de la catégorie Silver. Les quatre français sont exemptés de premier tour et entreront en lice en 1/8^ème de finale dans la nuit de mardi à mercredi, tous contre un adversaire moins bien classé. Si la hiérarchie était respectée, on aurait un quart de finale 100 % français entre Victor Crouin et Grégoire Marche, alors qu’Auguste Dussourd défierait le héros local et récent lauréat à Hong Kong, Paul Coll. Enfin, Baptiste Masotti pourrait affronter le Gallois Joel Makin.

Dans quel état de forme et de confiance nos joueurs arrivent-ils aux Antipodes ? Depuis le début de la saison ils ont tous eu des hauts et des bas, mais pour Renan Lavigne c'est à l'image de « l'instabilité actuelle du circuit, on observe que de nombreux joueurs ont des résultats en dent de scie. » Après un exercice 2023-2024 exceptionnel, qui l’a propulsé au 7^ème rang mondial, Victor Crouin a subi plusieurs défaites en 5 jeux face à des adversaires moins bien classés. « Ça a forcément un impact sur la confiance, mais j’ai trouvé que Victor avait fait un bon match contre Paul Coll à Hong Kong, » indique l'entraîneur national. Après un début de saison marqué par des tirages au sort difficiles, Baptiste Masotti s’est bien relancé en battant Mostafa Asal en Suisse et en remportant l’open de Lagord. Il reste néanmoins sur une lourde défaite contre Mohamed ElShorbagy à Hong Kong. « Il tombe très souvent sur lui, manifestement il y a un syndrome ElShorbagy pour Baptiste qui n’arrive pas à trouver les solutions. » De son côté, Auguste Dussourd a été performant depuis septembre, avec deux 1/8^ème de finale en Platinum et une belle prestation contre Marwan ElShorbagy à Hong-Kong, malgré la défaite en 3 jeux (14-12, 18-16, 11-9). « Dommage qu’il ne prenne pas le premier, ça aurait pu être un autre match. » Enfin, Grégoire Marche a certes reculé dans la hiérarchie mondiale mais reste un atout pour les Bleus. « Cette position lui convient sans doute davantage que celle de numéro 1 qu’il a occupée pendant quelques années, mais ce sont les aussi les bons résultats de Greg, et son accession au 11^ème rang mondial, qui ont créé une émulation et tiré tout le monde vers le haut, » conclut l’entraîneur national.

L'équipe de France masculine au championnat du monde

👉 18 participations

👉 2 médailles d'argent 🥈 en 2003 et 2009

👉 4 médailles de bronze 🥉 en 2005, 2007, 2013 et 2019

En raison des deux annulations évoquées plus haut, il n’y a eu que deux éditions du championnat du monde masculin par équipe depuis 10 ans. Sans surprise, elles ont été remportées par l’Égypte, qui sera à nouveau grandissime favorite avec un quatuor composé d’Ali Farag (n°1 mondial), Mostafa Asal (n°4), Karim Abdel Gawad (n°6, néanmoins très incertain suite à sa blessure au mollet à Hong Kong) et Mazen Hesham (n°7). Leur principal challenger est l’Angleterre, renforcée par la naturalisation des ex-Égyptiens Mohamed et Marwan ElShorbagy (n°5 et 8). La France présente une formation très homogène, mais pour remporter le titre il faudra battre ces deux nations et donc réaliser plusieurs perfs face à des joueurs du top 10. Il y a de nombreux autres prétendants au 4ème strapontin sur le podium* : Suisse, Allemagne, États-Unis, Écosse, Pays de Galles et Nouvelle-Zélande. Les Kiwis, qui n’avaient pas accueilli cette compétition depuis 40 ans, pourront s’appuyer le soutien d’un fervent public et sur la forme de Paul Coll, vainqueur à l’US Open et à Hong Kong. Mais pour décrocher leur première médaille depuis 1987, ils auront aussi besoin d’exploits de leurs autres joueurs, qui ne font pas partie du top 100 mondial. À signaler que plusieurs pays vont profiter de la proximité géographique pour faire leurs premiers pas au championnat du monde : les Philippines, les Îles Cook et Tahiti.

*Depuis quelques années, les rencontres pour la 3ème place ne sont plus jouées sur les compétitions organisées par le WSF, et les deux perdants des demi-finales reçoivent la médaille de bronze. 

En Nouvelle-Zélande, l'équipe d'Égypte ressemblera beaucoup à celle qui a remporté le titre il y a 4 ans à Washington (Crédit photo : SquashSite)

Tête de série n°3, la France se retrouve dans une poule C largement à sa portée : on y trouve une très jeune équipe des Pays-Bas, emmenée par le champion du monde junior 2022 Rowan Damming et l’Australie, aujourd’hui très loin du niveau qui lui a permis d’être sacré 8 fois dans cette épreuve. « Ces rencontres doivent nous servir de mise en route, » confie Renan Lavigne. En 1/8ème de finale, les Bleus affronteront normalement le Nigéria, composé de joueurs méconnus mais à ne pas prendre à la légère si l’on se fie à leurs résultats sur les tournois PSA sur le continent Africain. En quart de finale, soit la rencontre décisive pour l’obtention d’une médaille, il y a plusieurs adversaires possibles en fonction des résultats précédents et du tirage au sort : les États-Unis, le Pays de Galles et la Nouvelle-Zélande. Les deux derniers cités présentent un profil assez semblable, avec un gros écart entre leur numéro 1 (Joel Makin et Paul Coll) et le reste de l’équipe. « Avec notre densité, on a normalement une certaine marge de sécurité si nos joueurs évoluent à leur meilleur niveau, » affirme Lavigne. Si les Bleus tiennent leur rang et atteignent le dernier carré, c’est alors un autre championnat qui commencera, face à l’Égypte et/ou l’Angleterre …

Victor Crouin face à Mohamed ElShorbagy, une image qu'on reverra la semaine prochaine si la France affronte l'Angleterre ... (Crédit photo : Jonas Tana)