Après une campagne très réussie aux Jeux Mondiaux, la délégation Tricolore - emmenée par Victor Crouin et Mélissa Alves - tentera à nouveau de décrocher plusieurs médailles en Allemagne.

Article de Jérôme Elhaïk 

Quelques semaines après des Jeux Mondiaux particulièrement réussis (3 médailles sur les 6 en jeu), c'est à nouveau avec des ambitions élevées que le squash Tricolore se rendra à Hambourg, à l'occasion du championnat d'Europe individuel qui démarre jeudi. « On aurait même pu encore fait mieux, néanmoins on sait que chaque compétition a son lot d'impondérables, » indique Renan Lavigne, entraîneur de l'équipe de France masculine et qui était présent aux États-Unis. « Certes, il n'y avait pas de points pour le classement mondial mais c'est un tournoi très important pour certains pays. Par exemple, Miguel Angel Rodriguez aurait touché une très grosse prime de la Fédération Colombienne en cas de succès. Nos finales avaient lieu le dernier jour des Jeux Mondiaux : pour le squash c'était gratifiant d'apporter de l'or, de l'argent et du bronze à la France, car les résultats sont la seule manière d'exister pour les disciplines. Enfin, même s'il s'agissait d'épreuves individuelles on a passé une superbe semaine avec toute l'équipe de France. Je dois également souligner l'aide précieuse du kiné du CNOSF, qui a passé beaucoup de temps à s'occuper de nos athlètes. » 

Renan Lavigne en compagnie des trois médaillés du squash Tricolore aux Jeux Mondiaux (Crédit Photo : Coline Aumard)

Si la plupart des nations majeures du squash continental (l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne et bien sûr la France) seront de la partie en Allemagne, les Britanniques seront, comme souvent, les grands absents du championnat d'Europe individuel. « L'Angleterre envoie parfois quelques représentants, cependant cette année c'était trop proche des Jeux du Commonwealth, » précise Philippe Signoret, l'entraîneur des Bleues. « On peut d'ailleurs se poser des questions sur la date du tournoi, on aurait préféré qu'il ait lieu une semaine plus tard. » Fin juin, les joueuses du pôle France de Créteil ont démarré leur préparation estivale, un concept qui avait été mis à mal par la crise sanitaire. « Depuis quelques semaines, on a entamé le travail spécifique sur le court, mais ça a fait du bien de refaire du foncier en extérieur, avec du travail sur piste, du vélo etc. » Avec les absences des néo-retraitées Camille Serme et Coline Aumard (qui seront néanmoins sélectionnables pour le championnat du monde par équipe en Malaisie, en décembre), le trio Mélissa Alves / Énora Villard / Marie Stéphan était indiscutable.

Philippe Signoret (ici en compagnie d'Énora Villard) sera aux côtés de ses joueuses à Hambourg (Crédit Photo : FFSquash)

« En ce qui nous concerne, nous avons fait une sélection que je qualifierais d'intelligente, c'est-à-dire en la renouvelant par rapport aux Jeux Mondiaux mais en n'envoyant que des joueurs médaillables, alors qu'auparavant on donnait l'opportunité à un jeune joueur d'acquérir de l'expérience, » explique Renan Lavigne au sujet des garçons. « Même si le tableau masculin est dense (voire ci-dessous), on peut ambitionner de ramener une voire plusieurs médailles. » Le championnat d'Europe constitue également l'opportunité de démarrer la saison de manière anticipée, alors que le programme des prochains mois est surchargé. « Chaque joueur va devoir faire des choix en termes de programmation, et il y aura sans doute des niveaux de forme variables en début de saison – je pense notamment à ceux qui ont disputé les Jeux du Commonwealth, une épreuve très sollicitante, » estime Renan Lavigne. Alors que la moitié des joueurs du top 20 mondial masculin sont âgés de 30 ans et plus, il y a peut-être des places à prendre pour les jeunes générations, notamment les Français … Ces derniers pourront d'ailleurs bénéficier des conseils de Renan Lavigne pendant les matches : la PSA a récemment annoncé qu'elle autorisait à nouveau le coaching sur les tournois télévisés.

Malgré l'absence des Britanniques, évoquée plus haut, le tableau masculin est relevé avec sept joueurs classés entre la 14ème et la 44ème place mondiale. Le Suisse Nicolas Müller (n°14) s'est arrêté trois fois aux portes de la finale dans le passé, et la forme affichée ces derniers mois en fait le principal prétendant au titre en compagnie de Victor Crouin (n°18), auréolé de sa médaille d'or aux Jeux Mondiaux. On trouve ensuite le tenant du titre Raphael Kandra (n°19) – « qui sera forcément très motivé à domicile, » pour Renan Lavigne – Sébastien Bonmalais (n°33), Auguste Dussourd (n°41), un autre Suisse, Dimitri Steinmann (n°44) et bien sûr le vétéran Espagnol Borja Golan (n°42), véritable spécialiste du championnat d'Europe avec deux titres et quatre finales supplémentaires. « À chaque fois qu'il pénètre sur un court, Borja fait preuve d'une détermination maximale, » indique l'entraîneur national. Il y a ensuite un écart d'une quarantaine de places avec le Tchèque Daniel Mekbib (n°89). En d'autres termes, trois des quatre quarts de finale s'annoncent particulièrement disputés.

➡️ Sacré deux fois en -19 ans (il est le seul à avoir réalisé cette performance, avec Grégory Gaultier), Victor Crouin va participer au championnat d'Europe individuel senior pour la première fois. La raison est simple : le jeune Toulonnais (23 ans) a terminé son cursus à Harvard, et est de retour dans le Var où il s'entraîne aux côtés de son entraîneur de père Emmanuel. Victor a parfaitement entamé ce nouveau chapitre de sa vie en remportant les Jeux Mondiaux, et nul doute qu'il visera une nouvelle médaille d'or à Hambourg. « Quand il se rend sur un tournoi, c'est toujours avec l'ambition de le gagner, » affirme Renan Lavigne. « La qualité qui ressort le plus chez lui est son adaptation tactique en fonction des adversaires et des situations, elle est assez remarquable. En outre, il continue à progresser dans son jeu d'attaque, chaque frappe est destinée à faire mal et il utilise constamment des trajectoires différentes. » Souvent cité par les observateurs comme l'un des joueurs à suivre en 2022-2023, le Français aura un début de saison très chargé : après le championnat d'Europe, il disputera 4 tournois PSA en un mois.

Au vu de sa forme récente, Victor Crouin sera un sérieux prétendant au titre en Allemagne (Crédit Photo : The World Games)

➡️ Même s'il a connu des pépins physiques en deuxième partie de saison, Sébastien Bonmalais a franchi de nombreux caps en 2021-2022 : un 1/8ème de finale à l'US Open et quelques victoires références (Omar Mosaad, Patrick Rooney, Iker Pajares) lui ont permis d'atteindre son meilleur classement, 33ème mondial. « Je pense qu'on a désormais trouvé la bonne formule, pour que Sébastien continue à bien travailler en minimisant le risque de blessure, » explique Renan Lavigne. Le Réunionnais a entamé sa préparation estivale en Inde – aux côtés de Grégory Gaultier, dans le cadre de la préparation des joueurs locaux pour les Jeux du Commonwealth – et l'a continué au pôle France d'Aix-en-Provence. « Seb est en forme, » confie l'entraîneur national. « Il est tête de série 3/4 et aura forcément des ambitions en Allemagne (NDLR : il s'agit de sa troisième participation à l'épreuve, dont il avait terminé 5ème en 2019). De plus, je crois qu'il a très envie de se racheter après être passé à côté de son match en finale du championnat d'Europe par équipe, ça lui est resté en travers de la gorge. » À signaler que Sébastien Bonmalais sera en Allemagne dès ce weekend, puisqu'il participe au Final Four des Interclubs avec son équipe - Squash Factory Saar-Pfalz.

S'il veut monter sur le podium, Sébastien Bonmalais devra déloger des joueurs du top 20 mondial (Crédit Photo : Gerhard Nel)

➡️ Pour Auguste Dussourd, il s'agira aussi d'une troisième participation au championnat d'Europe par équipe, après deux quarts de finale en 2018 et 2019. Même s'il est tête de série 5/8, nul doute que le Parisien visera plus haut cette fois-ci, sur la lancée d'une fin de saison réussie qui lui a permis d'intégrer le top 40. « Il a en particulier réalisé un excellent mois de mai, au Tournament of Champions et au championnat du monde, » indique Renan Lavigne. Avant de rejoindre le pôle France d'Aix-en-Provence en septembre, Auguste a passé l'été au Mexique, le pays de sa compagne, et pourrait tirer les bénéfices d'une préparation en altitude. « Ce ne sont pas non plus les partenaires de qualité qui manquent là-bas, » ajoute l'entraîneur national. Pour le Français, le championnat d'Europe sera la première étape d'un début de saison particulièrement dense, avec 4 tournois sur le circuit international en septembre.

Après une belle fin de saison 2021-2022, Auguste Dussourd tentera de repartir sur les mêmes bases (Crédit photo : PSA World Tour) 

On dénombre seulement 19 engagées dans le tableau féminin (chiffre le plus bas dans l'histoire de l'épreuve), la date n'y étant sans doute pas étrangère. Même si Nele Gilis est tenante du titre et la joueuse la mieux classée (n°12 mondiale), c'est plutôt sa sœur cadette Tinne (n°13) qui fait figure de favorite. « Cette dernière est en pleine confiance depuis quelques mois, et Nele a été blessée en fin de saison,» explique Philippe Signoret. Leur principale challenger sera la Française Mélissa Alves (n°25, voir ci-dessous), puis on retrouve un petit groupe de joueuses au classement assez proche - Énora Villard (n°42), Cindy Merlo (n°44), Emilia Soini (n°47), Marie Stéphan (n°49) et Cristina Gomez (n°51) – et un autre de filles à surveiller : Ambre Alllinckx, Saskia Beinhard, Hannah Chukwu, Marta Dominguez et Katerina Tycova. « C'est en effet assez homogène, et le tirage au sort aura son importance, » ajoute l'entraîneur national.

➡️ Éloignée des parquets pendant cinq mois en raison d'une blessure au pied, Mélissa Alves a alterné le bon et le moins bon depuis son retour au mois de mai. Aux Jeux Mondiaux, elle s'est inclinée de manière assez inattendue en quart de finale face à l'Américaine Haley Mendez, « une joueuse qui n'aurait pas dû lui poser de problèmes, » indique Philippe Signoret. « Le stress inhérent aux matches en deux jeux gagnants a sans doute joué un rôle, mais on connaît les qualités de Mélissa et nul doute qu'elle va rebondir. » Avant un mois très chargé sur le circuit PSA avec trois tournois, Mélissa – médaillée de bronze de la dernière édition en 2019 – sera la principale menace pour les sœurs Gilis lors de ce championnat d'Europe.

Après un exercice 2021-2022 largement amputé par une blessure, Mélissa Alves tentera de bien lancer sa saison au championnat d'Europe (Crédit photo : 16th Mile Film)

➡️ La dernière édition du championnat d'Europe individuel rappelle de bons souvenirs à Énora Villard : il y a trois ans, elle avait obtenu une victoire référence en quart de finale face à Tinne Gilis, avant d'échouer au pied du podium. La native de Saint-Germain-en-Laye a connu un exercice 2021-2022 compliqué, notamment en raison de multiples pépins physiques, mais l'a terminé sur une bonne note avec une victoire de prestige face à Alison Waters aux playoffs des Interclubs. « Ses blessures sont derrière elle, elle fait une bonne préparation, » précise Philippe Signoret. En outre, la Française s'est adjoint les services d'un deuxième préparateur mental. « Un domaine dans lequel elle doit progresser, elle en est la première consciente et c'est bon signe qu'elle prenne le taureau par les cornes. »

Demi-finaliste de la précédente édition, Énora Villard essaiera de faire aussi bien voire mieux à Hambourg (Crédit photo : Gerhard Nel)

➡️ Huit ans après sa première participation, Marie Stéphan retrouve le championnat d'Europe individuel. « Cela faisait également très longtemps qu'elle n'avait pas fait une vraie préparation estivale, entre ses études aux États-Unis et la crise sanitaire, et pour elle c'est une super nouvelle, » raconte Philippe Signoret. Qui en appelle une autre : enfin membre du top 50 mondial, la Guyanaise n'aura plus à attendre la dernière minute pour savoir si elle intègre les tableaux des tournois Platinum. Tête de série 5/8, elle sera moins protégée que ses deux compatriotes à Hambourg. « Espérons que le tirage soit clément avec elle ... » ajoute son entraîneur.

Tête de série 5/8 du championnat d'Europe, Marie Stéphan attend le tirage au sort avec impatience ... (Crédit photo : PSA World Tour)