Pour ce soixante-et-unième épisode, on s'intéresse au Art'Sport Café (Le Havre), qui accueille ce weekend le championnat de France 2ème série.

Article de Jérôme Elhaïk 

Le Art'Sport Café, qu'est-ce que c'est ? Un lieu pas comme les autres, où – comme son nom l'indique – on peut se restaurer, pratiquer des activités sportives ou assister à un spectacle. Ce concept assez unique, il a germé dans l'esprit d'Anthony Guesdon au milieu des années 2000. « Au départ, on pensait s'implanter en région parisienne, mais les prix de l'immobilier nous ont dissuadés, » raconte cet ancien directeur marketing d'un laboratoire de cosmétique. « Je m'en souviens comme si c'était hier : un jour, je visite un local et on m'annonce un montant. Je croyais que c'était en francs, mais non c'était bien des euros (rires). » Conseillé par une connaissance, il s'oriente vers la ville du Havre et trouve son bonheur après une longue prospection. « Un ancien hangar à coton délabré, mais à la taille adéquate, » ajoute-t-il. « Ensuite le montage du dossier a été assez long, et on n'aurait pas pu le finaliser si on n'avait pas bénéficié de l'aide de business angels. » Après quatre ans de planification et de travaux, le Art'Sport Café ouvre ses portes le 28 novembre 2006. Près de seize ans plus tard, Anthony Guesdon est le seul rescapé des trois associés de départ (« les autres sont partis pour différentes raisons, ») et dirige en compagnie de son épouse cette structure de 3 500 mètres carrés aux multiples facettes : organisation d’événements professionnels ou privés, dîner spectacle et cabaret, accrobranche indoor, aires de jeux pour les enfants, cours de danse (zumba, salsa etc.), et sport (fitness, mini-foot, padel et squash bien sûr). « Aujourd'hui, on a 33 salariés qui représentent 10 temps plein, » explique-t-il. « Quant à moi, je suis au club 7 jours sur 7. Ça peut m'arriver de partir à 7 heures du matin en cas de soirée étudiante, et d'arriver à la même heure un autre jour pour faire l'ouverture ... Par rapport à ce que j'imaginais au départ, il y a beaucoup plus d'heures de travail et beaucoup moins de revenus (il éclate de rire), mais le plaisir est toujours là. C'est moi qui m'occupe de la programmation artistique, mais je suis à l'écoute des avis qu'on me donne et j'essaie de mettre en avant les artistes de la scène locale. »

Quand son emploi du temps le lui permet, on retrouve le gérant du Art'Sport Café Anthony Guesdon sur les courts de squash, qu'il pratique en compétition (Crédit photo : Art Sport Squash)

Le squash est l'activité sportive historique du Art'Sport Café, seul club de la ville depuis la fermeture de l'ADSH il y a quelques années. Quelques mois à peine après son ouverture, il avait accueilli les meilleurs joueurs et joueuses Français à l'occasion du championnat de France 1ère série en 2007, avant de remettre le couvert un an plus tard. « Ça avait été deux beaux évènements, même si avec le recul on aurait pu faire mieux si on avait eu plus de temps pour se préparer et plus d'expérience, » confie Anthony Guesdon. « Depuis, on est passé de 6 à 4 courts, mais on a tout de même un millier de joueurs dans notre fichier client. Certes, ce ne sont pas des licenciés, mais avoir autant de pratiquants contribue à la promotion de la discipline. On essaie de proposer une offre sympa, ce que soit pour les loisirs ou les compétiteurs. »

« Au départ, je suis un quelqu'un qui joue entre midi et deux pour s'amuser, » répond Christophe Billion lorsqu'on l'interroge sur sa relation avec le squash. Même si Anthony Guesdon le chambre sur son niveau « qui est toujours celui d'un joueur loisir, » ce chef d'entreprise hyperactif s'est lancé dans le bain de la compétition il y a quelques années (« la crise de la cinquantaine, » rigole-t-il), avant de se laisser convaincre de devenir président de l'association Art Sport Évènement en 2018. Un rôle sur mesure pour celui qui a été auparavant à la tête du club des partenaires du HAC (le club de football de la ville), et qui décompose son projet en trois axes. « Ils n'ont rien de révolutionnaires, » précise-t-il. « Il s'agit de l’apprentissage de la discipline chez les jeunes, du développement de la pratique féminine et du haut niveau. Ils sont intimement liés, et le troisième doit constituer une vitrine pour les deux autres, en donnant envie à de nouveaux joueurs et joueuses de pratiquer ce sport. » Défenseur assumé du squash féminin (« nous avons la chance en France d'avoir des joueuses sympas et très disponibles, »), Christophe Billion est ravi que l'association ait réengagé une équipe féminine en championnat régional cette saison, et espère qu'une deuxième sera créée à moyen terme. « J'ai la chance du débutant, » sourit-il lorsqu'on évoque les évènements ayant eu lieu au Art'Sport Café depuis qu'il a pris la présidence de l'association (voir ci-dessous PALMARÈS ET GRANDES DATES). « Mon seul regret, c'est que Camille Serme n'ait pas encore pu se produire ici, elle s'était malheureusement blessée quelques jours avant notre tournoi exhibition en janvier. Mais avoir une finale d'1h24 entre Victor Crouin et Lucas Serme pour un open national, c'est inespéré. Ce weekend, le club va accueillir ses premiers championnats de France depuis presque quinze ans, et on va avoir de superbes tableaux pour ce 2ème série. On peut également parler de chance au sujet de Robin Gautier, qui a été médaillé de bronze au championnat de France -11 ans peu de temps après son arrivée chez nous. C'est d'ailleurs important de souligner que ce résultat est le fruit du travail de formation qui a été fait avec lui par Thierry Lecoguiec à Rouen au préalable. »

Pour Christophe Billion (cinquième en partant de la droite, ici lors du tournoi exhibition mixte organisé au Art'Sport Café en janvier 2022), les évènements doivent être un levier pour le développement de la pratique (Crédit photo : Ligue de Normandie de squash) 

Depuis quelques semaines, le jeune espoir est entraîné par Guillaume Duquennoy, nouvel enseignant du club (voir ci-dessous UN CLUB, UN COACH). La structuration de l'encadrement était un projet majeur pour l'association, qui avait dans un premier temps jeté son dévolu sur Carl Hubert. « Il a choisi de donner une autre orientation à sa vie professionnelle, dont acte, » confie Christophe Billion. « Cela faisait plusieurs mois que Guillaume intervenait ponctuellement au club. Ça a commencé par une journée par mois, puis c'est allé crescendo. L'opportunité s'est présentée pour les deux parties, et il est désormais salarié de la structure - et non de l'association, car l'une de ses missions est de créer des interfaces avec les autres activités, afin d'attirer davantage de monde vers le squash. » Lorsqu'on lui demande si l'arrivée du 20ème joueur Français a eu un effet immédiat, sa réponse fuse. « Sans aucun doute ! Guillaume est une personne motivante et bienveillante, et est au contact de toutes les catégories de pratiquants. On voit par exemple que même des joueurs loisirs demandent à prendre des cours avec lui. Il s'occupe également des entraînements collectifs adultes et jeunes, et a aussi des séances individuelles avec Robin Gautier. Je crois fermement au rôle d'une locomotive : Guillaume l'est pour l'association dans son ensemble, pour Robin c'est le cas chez les jeunes. Depuis qu'il est là, plusieurs autres enfants ont débuté en compétition ! »

Ici entouré d'Énora Villard et d'Élise Romba lors du premier open national organisé au Art'Sport, Christophe Billion est un fervent défenseur du squash féminin (Crédit photo : Art'Sport Squash) 

Quinquagénaire hyperactif, Christophe Billion ne manque pas d'idées et de projets, que ce soit des actions auprès des jeunes filles de la Fondation d'Auteuil (« le sport doit jouer un rôle éducatif, »), la mise en place de la défiscalisation pour les adhérents de l'association ou encore l'utilisation par les équipes du club de maillots en plastique 100 % recyclé. « Je tente des choses, tout en étant à l'écoute, et si ça marche tant mieux, » sourit-il. « Ma priorité est la convivialité et j'essaie d'œuvrer pour l'intérêt général, que ce soit celui du public, des joueurs ou des entraîneurs, que je n'hésite jamais à questionner concernant l'organisation des compétitions. Quand je lis les articles consacrés aux clubs, je constate que les gens parlent beaucoup du passé, et il faut remercier ceux qui ont écrit l'histoire du squash en France. Notre situation est différente : la notre est une page blanche, et c'est la raison pour laquelle je suis complètement tourné vers l'avenir. »

Devenu au fil des ans une valeur sûre sur le circuit Français, Guillaume Duquennoy a même fait récemment ses débuts sur la scène internationale. Mais le Nordiste est aussi entraîneur, un métier qu'il exerce désormais au Art'Sport Café. Portrait.

Les débuts

Guillaume a découvert le squash à l'âge de 4 ans avec son père Philippe (figure bien connue de la discipline dans les Hauts-de-France) à Tourcoing. Il sera ensuite formé au club de l'Arbonnoise par Jean-François Niciejewski, qu'il va suivre lorsque ce dernier ouvre sa structure, le WAM. « J'ai disputé mon premier championnat de France à 7 ans, » raconte-t-il. Les (bons) résultats ne tardent pas à suivre : vainqueur du Masters jeunes en poussins en 2004, il connaît un belle année 2006, avec des médailles d'argent au championnat de France -13 ans puis de bronze à l'open de France junior dans la même tranche d'âge.

Une autre voie

Malheureusement, il ne va pas confirmer dans les catégories supérieures. « Je n'étais pas assez investi à l'entraînement, » confie-t-il avec lucidité. À la recherche de sa vocation, Guillaume obtient un CAP de restauration-hôtellerie et va travailler pendant quelques temps au club de Valenciennes. « Je partageais mon temps entre l'enseignement du squash et la cuisine, où j'étais seul lorsque le chef n'était pas là. Même s'il y avait une carte, on avait une certaine liberté pour le plat du jour. Aujourd'hui, j'ai tourné la page : je prends du plaisir à cuisiner dans un cadre privé mais je pense que je n'aurais pas pu faire ça toute ma vie à cause des contraintes inhérentes à ce secteur. Concernant le métier d'entraîneur, ce n'est pas facile quand on a 20 ans d'aller vers les gens et d'avoir confiance en soi, mais ça a été une bonne première expérience. »

Un nouveau départ

En 2014, Guillaume Duquennoy a l'opportunité de rejoindre le club de Louvigny (près de Caen), qui a ouvert quatre ans plus tôt. « C'est Nicolas Cardin qui a parlé de moi à Julien Chalons, l'un des membres de l'association, et j'ai été faire un tournoi là-bas alors que j'étais encore dans le Nord. J'étais en surpoids à l'époque et je n'avais pas été très bon sur le court (rires), mais ça m'avait permis de prendre contact avec eux. Mon contrat prenait à Valenciennes, et je crois que j'avais besoin d'un nouveau départ. » Pendant cinq ans, il va être l'entraîneur d'un club qui connaît une belle période, avec environ 250 licenciés chaque saison. Cette dynamique va prendre fin début 2020, avec la décision des propriétaires de transformer la structure en salle de spectacle. « C'est dommage et c'est vrai qu'on aurait peut-être pu faire encore mieux car c'était un très bel outil, » glisse Guillaume Duquennoy. « Néanmoins, ça a été une belle expérience et sur le plan personnel, elle m'a permis de me constituer une clientèle et un réseau. » Dans un premier temps, il rebondit en donnant des cours dans un club de fitness à Saint-Contest, notamment à d'anciens joueurs de Louvigny. Il y travaille encore deux jours par semaine actuellement, mais a aussi commencé une nouvelle aventure à une centaine de kilomètres de Caen.

Au Art'Sport, Guillaume Duquennoy s'occupe de tous les pratiquants, qu'ils soient jeunes/adultes ou loisirs/compétiteurs (Crédit photo : Art'Sport Squash) 

Le Art'Sport, une nouvelle aventure

Comme évoqué plus haut par Christophe Billion, Guillaume Duquennoy est désormais salarié du Art'Sport Café où il intervient du lundi au mercredi. « Je m'occupe des cours individuels et collectifs pour les adultes, ainsi que de l'école de squash. C'est une association dynamique, et ses membres n'hésitent pas à donner de leur temps pour emmener les jeunes sur les compétitions. Parmi les choses à améliorer et ce sera l'une de mes missions, il y a la visibilité de l'activité squash au sein de la structure dans son ensemble. » Une autre tâche dévolue au nouveau coach du club est l'encadrement de Robin Gautier, licencié depuis deux ans au Art'Sport et médaillé de bronze du dernier championnat de France -11 ans. « Il a incontestablement du potentiel, mais il doit apprendre à se faire violence et à prendre davantage confiance en lui, » estime Guillaume. « Afin de le sortir de sa zone de confort, je le fais jouer avec adultes aussi souvent que possible. De manière générale, j'essaie d'avoir avec lui un rôle d'éducateur autant que d'entraîneur. »

Sa vision du rôle d'entraîneur

« Je pense qu'un entraîneur doit avant toute chose être quelqu'un de motivant, et passer du temps avec ses élèves afin de comprendre leurs envies. Je leur pose des questions, afin de connaître les raisons pour lesquelles ils prennent des cours et ce qu'ils attendent de moi. Concernant le jeu proprement dit, je trouve que les jeunes sont de plus en plus costauds physiquement, et qu'on est obligés de travailler dans ce domaine si on veut atteindre un certain niveau. »

Entraîneur mais aussi joueur

En arrivant à Louvigny, Guillaume Duquennoy s'est relancé sur le plan professionnel mais aussi en tant que joueur, en mettant les bouchées à l'entraînement. En 2016, il a atteint deux de ses objectifs, en remportant le championnat de France 2ème série puis en passant 1ère série. « J'ai toujours aimé le haut niveau, » confie-t-il. « J'avais envie de me fixer des challenges, et comme j'avais du temps pour m'entraîner c'était le bon moment. » Depuis six ans, il est devenu une valeur sûre du circuit national, oscillant entre la 15ème et la 25ème place au classement. Avec la fermeture du club de Louvigny, la crise sanitaire et la naissance de son premier enfant, Guillaume avait mis la compétition entre parenthèses pendant 18 mois avant de se lancer un nouveau défi en 2022 : il a pris sa licence PSA, et disputé son premier match sur le circuit professionnel à Val-de-Reuil il y a quelques semaines (perdu face au Néo-Zélandais Tenwa Chileshe, 113ème mondial, en trois jeux accrochés). « Je trouve que mentalement j'ai bien appréhendé le contexte – qui est très différent d'un tournoi national par exemple, chacun se prépare dans son coin et retourne à l'hôtel une fois son match terminé. » Même s'il est difficile pour les « débutants » d'intégrer les tableaux, le Normand d'adoption espère avoir d'autres opportunités de faire ses preuves dans les prochains mois et son club est disposé à l'accompagner dans ce projet.

Il y a quelques semaines, Guillaume Duquennoy a fait ses débuts sur le circuit PSA à Val-de-Reuil (Crédit photo : Ladies Squash)

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