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SPORT SANTÉ : JEAN-CHARLES MÉNARD ET LE SQUASH, UNE AFFAIRE DE CŒUR ...

Promotion 21/12/2021

C'est l'une des belles histoires de la première partie de saison de squash : après avoir subi un remplacement d'une valve aortique en avril 2020, Jean-Charles Ménard a signé son retour à la compétition avec une médaille de bronze au championnat de France vétérans début novembre.

Même s'il se refusent à faire de son cas une généralité, c'était l'occasion pour le Rennais et le médecin qui l'a opéré de faire passer quelques messages en matière de sport santé.

Article de Jérôme Elhaïk

Lorsqu'on l'a contacté pour savoir s'il était d'accord pour raconter son histoire, Jean-Charles Ménard a immédiatement donné son approbation tout en mettant un bémol. « Chaque cas est différent, je ne veux pas donner l'impression que tous les gens opérés du cœur pourront reprendre le sport comme si de rien n'était. » Entre le Breton - kiné-ostéopathe de métier, il a notamment travaillé au Stade Rennais Football Club - et le squash, c'est un coup de foudre qui dure depuis quarante ans. « C'est ma deuxième passion, après ma femme, » sourit l'intéressé. Ancien membre du top 30 français, il a fait partie de l'aventure du Funny Squash de Cesson, qui évolua en Nationale 1 de 1990 à 1996. L'histoire est interrompue une première fois en 2012 suite à la découverte d'un problème cardiaque. « Je n'avais pas le feu vert médical et je me suis donc mis au golf, mais comme il n'y a pas eu d'aggravation j'ai pu reprendre ma licence de squash deux ans plus tard, » raconte-t-il. Les choses vont prendre une autre tournure début 2020, avec un malaise nécessitant une prise en charge immédiate. Dix-huit mois après son opération à cœur ouvert, Jean-Charles Ménard a effectué un retour réussi sur les courts, avec une magnifique médaille de bronze au championnat de France vétérans en +55 ans. Il témoigne en compagnie de son chirurgien, le professeur Jean-Philippe Verhoye. Depuis 2015, ce dernier dirige le service de chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire du CHU de Rennes, considéré comme le meilleur en France.

UNE HISTOIRE D'HOMMES

« Non, on ne se connaissait pas, » répond Jean-Charles Ménard lorsqu'on l'interroge sur la nature de sa relation avec le professeur Jean-Philippe Verhoye avant son opération du cœur. « C'est un ami de mon frère qui me l'a recommandé. Je m'en souviens très bien, j'ai eu mon premier rendez-vous un lundi, et le lundi suivant je passais sur le billard. » « Rien à voir avec du copinage, » précise le chirurgien avec le sourire. « Si les choses se sont déroulées aussi rapidement, c'est parce que l'intervention était urgente. » Aujourd'hui, les deux hommes sont devenus des amis, à tel point qu'ils avouent se voir plus souvent pour des raisons personnelles que médicales. « J'ai immédiatement senti que l'opération s'était bien passée, et quand je me suis réveillé j'ai dit à Jean-Philippe que mon Messi ne jouait pas au PSG, il travaillait à l'hôpital Pontchaillou, » confie Jean-Charles Ménard.

« Lorsqu'on opère quelqu'un du cœur, il y a une intimité qui se crée. »

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Le professeur Jean-Philippe Verhoye et Jean-Charles Ménard ont noué des liens qui dépassent le cadre de la relation médecin-patient (Crédit photo : Jean-Charles Ménard)

« Lorsqu'on opère quelqu'un du cœur, il y a une intimité qui se créé, » ajoute Jean-Philippe Verhoye. « Je me souviens avoir lu que Gérard Houllier était resté en contact avec son chirurgien. Le patient a des craintes légitimes, il a besoin d'être rassuré et il faut que la confiance s'installe. Néanmoins, je ne noue pas des liens avec chacun d'entre eux, les choses doivent se faire spontanément. On se voit régulièrement avec Jean-Charles, et grâce à lui j'ai eu la chance de côtoyer Bernard Hinault (NDLR : l'ancien vainqueur du tour de France est intervenu pour l'association Cardiac des Monts, présidée par Laurent Dubost). Les champions de sa trempe sont des gens particuliers, qui même s'ils font partie du star-system dégagent beaucoup de sincérité et d'humilité. » Le chirurgien d'origine Corse admet avoir suivi le parcours de son ami au championnat de France vétérans « avec appréhension. Mais pas du tout par crainte d'une éventuelle rechute, elle était uniquement liée à ses résultats ! Je n'ai pas eu de nouvelles pendant quelques temps après sa demi-finale, puis j'ai vu la photo du podium … »

LA BICUSPIDIE, QU'EST-CE QUE C'EST ?

La cause de l'opération subie par Jean-Charles Ménard il y a dix-huit mois est une bicuspidie aortique. Il s'agit d'une variation congénitale de la valve aortique, qui ne présente que deux feuillets valvulaires au lieu de trois habituellement. « L'aorte est une artère très importante, directement reliée au cœur, » indique le professeur Jean-Philippe Verhoye. « Concernant la bicuspidie, il s'agit d'un problème assez fréquent, qui touche environ 1 % de la population. On peut la détecter si le patient présente un souffle au cœur, mais certains ne savent pas qu'ils en sont atteints. Dans le cas de Jean-Charles, l'une des valvules s'était fortement dégradée sans explication. Son malaise a précipité les choses, sachant que même un arrêt complet de toute activité sportive n'aurait pas été suffisant pour envisager un rétablissement. Même si une sternotomie n'est pas quelque chose d'anodin, c'est un acte chirurgical courant pour mon équipe et moi et le taux de mortalité est très faible. Il est tout à fait possible de retrouver sa vie d'avant, notamment de faire du sport, et une personne qui a subi ce type d'intervention ne doit pas ensuite être considérée comme un malade ! On a l'exemple du joueur de l'équipe de France de basket Ronny Turiaf, également opéré à cœur ouvert et qui avait pu reprendre sa carrière professionnelle. Néanmoins, il ne faut pas faire d'un individu une généralité : chaque cas est différent, et la réhabilitation doit être adaptée. » « Pour revenir à Ronny Turiaf, en 2012, soit sept ans après son opération, il est devenu champion NBA avec Miami, » ajoute Jean-Charles Ménard. « Cela montre bien que l'on peut non seulement reprendre une activité physique, mais aussi rester performant suite à ce genre d'intervention. »

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Le service de chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire du CHU de Rennes, dirigé par le professeur Jean-Philippe Verhoye (à droite), est considéré comme le meilleur de France (Crédit photo : Ouest France)

L'IMPORTANCE DE LA PRÉVENTION

« Une opération de ce type, c'est de la mécanique, » indique le professeur Jean-Philippe Verhoye. « Si on change une biellette sur une 2CV, elle ne va pas pour autant devenir une Ferrari (rires). Ce que je veux dire, c'est qu'on peut reprendre le sport à condition d'avoir un cœur sain et d'avoir pratiqué régulièrement auparavant - et c'était le cas de Jean-Charles. En d'autres termes, il ne faut pas se sentir pousser des ailes et faire n'importe quoi. Le message que j'aimerais faire passer aujourd'hui, c'est de ne surtout pas galvauder les certificats médicaux. Il est très important de faire un examen approfondi vers l'âge de 20 ans, avec un électrocardiogramme. De nos jours, les tests ne prennent pas beaucoup de temps et sont remboursés par la sécurité sociale. La reprise après une longue interruption doit également être surveillée, il ne faut surtout pas se dire 'je vais reprendre à fond et ça va aller.' En France, on a un côté latin et on aime bien contourner les règles, par exemple en se servant de son réseau pour obtenir facilement un certificat médical, mais en matière de santé le plus dangereux est de ne pas savoir ... » « À travers cet article, je souhaitais donner de l’espoir aux sportifs qui sont atteints de la même variation congénitale, mais dès les premiers symptômes il faut aller consulter des gens merveilleux comme le professeur Jean-Philippe Verhoye pour ne pas perdre de temps, » ajoute Jean-Charles Ménard. « Au repos, cette anomalie ne présente pas de risque vital les trois premières années mais il s'agit de s'assurer qu'elle n'engendre pas de dégradation pour les structures environnantes, notamment sur le ventricule gauche. »

« Il ne faut surtout pas galvauder les certificats médicaux. »

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Jean-Charles Ménard (à gauche) est investi au sein de l'association Cardiac des Monts, engagée dans la prévention des maladies cardiaques (Crédit photo : Cardiac des Monts)

Interrogé sur l'idée reçue voulant que le squash soit exigeant sur le plan cardio-vasculaire, Jean-Philippe Verhoye la balaie d'un revers de la main. « Aucune discipline ne me fait plus peur qu'une autre, et le mot violent ne peut pas être utilisé pour qualifier un sport. Il y a des gens qui ont des qualités pour faire un marathon, et d'autres du sprint. On peut pratiquer à différents niveaux, et la fréquence, l'intensité etc. doivent correspondre aux caractéristiques de chacun. D'un autre côté, il faut reconnaître qu'en France on n'a pas une grande culture sportive. La priorité c'est plutôt la culture tout court, et pour des parents ce n'est pas une source de frustration si leur enfant ne pratique pas d'activité sportive. Au cours de mon parcours, j'ai séjourné à l'université de Stanford et je peux vous dire qu'aux États-Unis c'est une institution, c'est impossible de ne pas en faire. J'ai d'ailleurs une anecdote assez amusante à ce sujet : un jour, je lis un article au sujet d'un délinquant qui s'était fait arrêter et le journaliste avait écrit, 'et en plus, il ne fait pas de sport'. Comme si c'était une tare et que c'était plus grave que le délit qu'il avait commis ... Cela étant dit, j'ai l'impression que les choses évoluent doucement en France, et par exemple on voit de plus en plus de gens rouler à vélo en ville. Concernant le haut niveau, il est nécessaire d'inculquer aux jeunes la culture de l'effort, ça doit être une passion et non une contrainte. C'est un peu comme en musique, il ne faut pas apprendre les notes par cœur bêtement. »

LA REPRISE DU SPORT ...

Peu de temps après l'intervention subie en avril 2020, Jean-Charles Ménard avait entamé la procédure post-opératoire. « Comme le professeur Verhoye l'a mentionné auparavant, mon problème était essentiellement mécanique, c'est comme si on avait changé une pièce sur le moteur d'une voiture. C'était le premier confinement à l'époque, mais de part ma profession je connais les protocoles et je suis suivi depuis longtemps par le professeur François Carré (NDLR : cardiologue au service de médecine du sport du CHU de Rennes). Comme j'ai ma propre salle de gym, j'ai pu commencer la rééducation chez moi. J'ai repris avec du vélo au bout d'un mois puis le squash quatre mois après l'opération, soit légèrement plus tôt que ce qui était prévu. Je n'avais pas eu beaucoup de symptômes dans le passé, mis à part quelques maux de tête après certains gros matches, et ma condition était globalement bonne. Je dois néanmoins admettre que quelques mois avant l'opération, je courais difficilement à 9 km/h alors que maintenant je fais du 13 sans problèmes. Il faut également souligner que je bénéficie des avancées en matière de chirurgie cardiaque, une discipline qui n'existe que depuis cinquante ans. Ma valve de remplacement est une bioprothèse, c'est préférable pour la reprise du sport car on évite un traitement anti-coagulant contraignant qui est obligatoire pour la valve mécanique - et c'est gênant pour les sports de contact. »

... ET DE LA COMPÉTITION !

Deux ans et demi après sa dernière compétition, Jean-Charles Ménard a disputé le championnat de France vétérans, début novembre à Bordeaux. « Je me suis décidé en juillet, j'avais donc quatre mois pour me préparer. La dernière fois que j'y avais participé, c'était il y a dix ans, et j'avais perdu en quart de finale contre Laurent Gourrier (NDLR : gérant du club de Vincennes, et champion de France +50 et +55 ans). Pourquoi ce tournoi ? Je suis un attaquant, et même si je pense pouvoir jouer à un niveau 2D-3A c'est plus compliqué contre des jeunes avec un gros physique que contre des joueurs de mon âge. D'autre part, j'ai longtemps évolué en Interclubs au niveau national avec l'équipe de Funny Cesson. Les championnats de France ça reste quelque chose de spécial, et en tant que compétiteur on cherche à vivre ce genre d'émotions. » En Gironde, il a revu des têtes connues (« la plupart des joueurs de mon tableau, je les connais depuis vingt-cinq ans, ») mais qui n'étaient pas au courant de son histoire. « Dans les vestiaires, c'est difficile de cacher une cicatrice de 25 cm sur le torse et certains m'ont posé la question. J'en ai également profité pour parler de l'association de Laurent Dubost, et de l'importance de passer des examens pour détecter un éventuel problème le plus tôt possible. » Intégré n°500 au classement national, Jean-Charles Ménard était tête de série n°5 du tableau. « Je visais les quarts de finale, néanmoins l'appétit vient en mangeant, » sourit le Rennais, licencié au Squash d'Auray, où il a rejoint son frère et ses neveux il y a deux ans.

« Ça me tenait à cœur de disputer à nouveau un championnat de France. »

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Dix-huit mois après son opération du cœur, Jean-Charles Ménard (à droite) est monté sur le podium au championnat de France vétérans début novembre à Bordeaux (Crédit photo : Jean-Charles Ménard)

Un premier match bien maîtrisé face à Jean-François Raynaud lui a permis d'atteindre son objectif, avant de le dépasser suite à l'abandon dès le premier jeu de David Naude. « Concernant la demi-finale contre Gilles Petitjean, je n'ai aucun regret. C'est un joueur très complet qui attaque bien, » dit-t-il à propos du Nancéen, qui remportera le tournoi. Mené 2 jeux à 1 dans le match pour la médaille de bronze face à un autre Breton, Ronan Villard, Jean-Charles Ménard va puiser dans ses réserves pour se donner le droit de monter sur la troisième marche du podium. « À 7-7 dans le 5ème jeu, il y a eu un gros échange, je l'ai gagné et Ronan a fait plusieurs fautes juste après alors que le physique est l'une de ses qualités premières. Ça veut donc dire que j'étais prêt dans ce domaine. D'ailleurs j'ai eu très peu de courbatures après le championnat, alors que j'appréhendais un peu de devoir enchaîner les matches. J'ai pris du plaisir sur le court, et ça me tenait vraiment à cœur de refaire ce genre de compétitions. Le squash c'est ma passion, c'est un peu comme un jeu d'échecs à grande vitesse (rires). » Tourné vers l'avenir, le Breton a entouré dans son calendrier le championnat du monde vétérans, en août 2022 en Pologne. « Il a lieu dans le plus grand club du monde, qui compte une trentaine de courts ! Je sais que beaucoup de Français ont l'intention d'y participer, et représenter mon pays serait une vraie fierté. C'est un bel objectif, et je vais me préparer pour être fin prêt. »

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