On revient sur les résultats de la délégation Tricolore, qui était présente en force aux États-Unis.

Article de Jérôme Elhaïk

Le championnat du monde s'est terminé sur une note amère, avec la lourde défaite de Camille Serme en demi-finale, mais il y a des motifs de satisfaction à retirer de cette édition 2020-2021 : même si Nouran Gohar et Nour El Sherbini sont actuellement au-dessus de la mêlée, la Cristolienne conforte son statut de membre du top 4 mondial. Ensuite, le contingent Tricolore a battu des records de présence au deuxième tour, et pour la grande majorité leur parcours s'est arrêté face à des joueurs et joueuses du top 10 mondial. La belle surprise est venue de Baptiste Masotti, tombeur de Mazen Hesham et qui continue sa progression. Comme d'autres Français, il atteindra le meilleur classement de sa carrière le 1er août.

« Je n'ai pas les mots pour l'instant, mais cette image résume tout. » C'est le message qu'a posté Camille Serme (n°4 mondiale) sur les réseaux sociaux quelques heures après sa défaite face à Nouran Gohar (n°2), dans la nuit de mercredi à jeudi. On l'y voit de dos, prostrée dans un coin de l'un des courts annexes de l'University Club de Chicago. Lauréate de quatre tournois majeurs, dont le prestigieux British Open, la Française n'a néanmoins jamais cessé d'affirmer que devenir championne du monde était son ambition ultime. Pour la cinquième fois de sa carrière, son parcours s'est arrêté en demi-finale, et les opportunités seront forcément de moins en moins nombreuses pour celle qui a fêté ses 32 ans en avril.

Battue pour la cinquième fois de sa carrière en demi-finale, Camille Serme a vécu une sortie douloureuse au championnat du monde (Crédit photo : PSA World Tour / Nathan Clarke)

Pour en arriver là, elle avait bien appréhendé un tableau que l'on savait favorable, sortant successivement Lee Ka Yi (n°46), Donna Lobban (n°23), Olivia Clyne (n°13) et Salma Hany (n°9), en lâchant seulement un jeu en cours de route. La marche était évidemment beaucoup plus haute face à Nouran Gohar, en très grande forme ces dernières semaines (finaliste à El Gouna, et surtout lauréate des World Tour Finals). C'était leur seizième affrontement sur le circuit international, avec un avantage pour l'Égyptienne (10-5). Comme à son habitude, cette dernière a entamé les débats tambour battant et pris rapidement le large (5-2). Néanmoins, Camille Serme a laissé passer l'orage et recollé au score, grâce notamment à une superbe volée de revers croisée. À ce moment du match, le niveau de jeu est très élevé et les deux joueuses se rendent coup pour coup. Malheureusement, la première manche va tourner du côté de Gohar en l'espace de quelques secondes, sur des détails mais si importants à ce niveau (un no let alors que Camille aurait sans doute pu jouer la balle, une faute en revers et un missile gagnant de son adversaire pour conclure, 11-8). Contre une joueuse en pleine confiance et qui adore faire la course en tête, cela va peser lourd dans la balance. Dans le deuxième jeu, la Française tente de prendre des initiatives, malheureusement ses volées manque de tranchant, alors que celle que l'on surnomme "Terminator" frappe de plus en plus fort et creuse l'écart (11-4). La mission est quasi-impossible, et pour cause : l'Égyptienne n'a tout simplement jamais perdu un match en PSA après avoir mené 2 jeux à 0. Elle continue son travail de démolition, menant rapidement 7-0 dans la troisième manche. Même si un sursaut d'orgueil de Camille Serme lui permet de revenir, l'issue est inéluctable (11-3). Pour battre Nouran Gohar à son niveau actuel, la chef de file du squash Tricolore avait besoin de réaliser une énorme performance et elle n'y est pas parvenu. La déception est légitime, mais les points marqués à Chicago lui permettent tout de même de conforter sa place dans le top 4 mondial. Prochain rendez-vous, le British Open du 16 au 22 août.

Camille Serme (au premier plan) a tenté de trouver des solutions, mais Nouran Gohar a imposé sa puissance sur le court vitré de l'University Club de Chicago (Crédit photo : PSA World Tour / Nathan Clarke)

« Je suis arrivé au championnat du monde sans certitudes, » a confié Baptiste Masotti (n°33 mondial) à La Nouvelle République il y a quelques jours, faisant référence aux semaines consacrées à la préparation des ses examens de Master 2. Le manque d'entraînement s'est un peu ressenti au premier tour face à Bernat Jaume (n°63), mais le Niortais a assuré l'essentiel en gagnant 3-1 après avoir été largement mené dans le dernier jeu. Cette saison, la quasi-totalité de ses défaites dans les gros tournois lui ont été infligées par des membres du top 10 mondial, et le 1/16ème de finale face à Mazen Hesham (n°15) était une belle opportunité de se jauger. Mené 2-0 après deux premières manches très serrées, il ne s'est pas démobilisé et a parfaitement su profiter de l'irrégularité de l'Égyptien, pour prendre le dessus et inverser complètement le score. Alors que la marche était encore plus haute le surlendemain face l'ancien champion du monde Karim Abdel Gawad (n°6), Baptiste Masotti est allé chercher la première manche au prix d'une belle détermination. Celui que l'on surnomme "The baby faced assassin" est revenu sur le court avec de toutes autres intentions, et le Français a été pris dans une tempête de coups gagnants. Les débats se sont rééquilibrés en milieu de troisième jeu, pas suffisamment néanmoins pour empêcher son adversaire de passer en tête. Malgré la combativité de son adversaire, Gawad a continué à contrôler le tempo dans la manche suivante, pour s'envoler vers la victoire. « C'est une défaite qui fait mal, mais il n'y a rien à dire, le meilleur joueur a gagné, » a déclaré le Français avec lucidité après le match. « Néanmoins, il y a beaucoup d'enseignements à tirer et des pistes de travail à explorer. » Grâce aux points marqués à Chicago, il devrait faire un bond de neuf places au classement, devenant ainsi le septième joueur Tricolore de l'histoire à intégrer le top 25 mondial (après Julien Bonétat, Thierry Lincou, Renan Lavigne, Grégory Gaultier, Mathieu Castagnet et Grégoire Marche). 

Même s'il est tombé sur plus fort que lui en huitième de finale, Baptiste Masotti est reparti de Chicago avec le plein de confiance (Crédit photo : PSA World Tour / Nathan Clarke)

Après un premier tour rondement mené face à Vikram Malhotra (n°49), Grégoire Marche (n°13) a confirmé son nouveau statut en sortant le dangereux Nicolas Müller (n°35), qui lui a posé beaucoup de problèmes dans le passé. Même si un petit relâchement lui a coûté la troisième manche alors qu'il menait 7-2, le Drômois s'est montré très solide en fin de quatrième jeu. Face à Marwan El Shorbagy (n°5), il a pris les commandes après un début de partie intense, mais l'ancien vice-champion du monde a ensuite davantage varié le jeu et pris le contrôle du match. Mené 2-1 et 7-2 dans le quatrième jeu, Grégoire Marche a sonné la révolte, ramenant les débats dans la filière longue qu'il affectionne. À 9-9, l'Égyptien, qui semblait en difficulté physiquement, s'est appuyé sur son expérience pour conclure alors que le Français semblait en mesure de faire tourner le cours des choses. Dans son interview d'après-match, Marwan El Shorbagy a confirmé ce qui est désormais une évidence, à savoir que les meilleurs joueurs du monde sont conscients du danger lorsqu'ils affrontent Grégoire Marche, et que ce dernier est capable de battre n'importe qui. Il tentera de le montrer dans quelques semaines au British Open, auréolé d'un nouveau meilleur classement en carrière (12ème mondial). 

Grégoire Marche a bousculé Marwan El Shorbagy, mais n'a pas réussi à faire tomber le n°5 mondial (Crédit photo : PSA World Tour / Nathan Clarke)

Huit Français au total en 1/16ème de finale du championnat du monde, donc cinq hommes, sont des chiffres qui constituent deux nouveaux records. Pour les joueurs non têtes de série, on savait néanmoins que les choses se compliqueraient à ce stade de la compétition.

Comme nous vous le disions dans notre présentation, Mathieu Castagnet (n°28) n'a non seulement pas disputé beaucoup de matchs en 2020-2021 à cause des blessures, mais s'est également très peu entraîné ces derniers temps (il a préparé, et obtenu, le concours de professorat du sport). Vainqueur d'un premier tour potentiellement compliqué face au jeune Mexicain Leonel Cardenas (n°52), il n'avait pas les armes pour lutter avec un Diego Elias (n°8) de retour en grande forme après une longue absence. Solide en 1/32ème de finale face à Nathan Lake (n°46), Victor Crouin (n°39) a montré de belles choses face à Paul Coll (n°4), pas suffisamment néanmoins pour prendre un jeu au métronome Néo-Zélandais. « Malgré le score, j'ai bien mieux joué que lors de nos deux précédents affrontements cette saison, » estimait le jeune Toulonnais. « Je sens que je progresse, et je suis très motivé pour la suite ! ». Après son succès à Washington, sa belle mini-tournée Américaine va lui permettre d'atteindre le meilleur classement de sa jeune carrière. Au premier tour, Grégory Gaultier (n°23) a bénéficié de l'abandon de l'Espagnol Iker Pajares Bernabeu (n°32 mais il avait de toute façon le match en main. Affronter Joel Makin (n°10) en 1/16ème de finale était loin d'être un tirage facile, et le French General s'est heurté au roc Gallois, la sécheresse du score s'expliquant peut-être par les quelques soucis physiques rencontrés pendant sa préparation. 

Coline Aumard, Grégory Gaultier, Victor Crouin, Mathieu Castagnet et Mélissa Alves ont tenu leur rang en atteignant le deuxième tour, avant de se heurter à des joueurs ou joueuses nettement mieux classé(e)s (Crédits photo : PSA World Tour)

Côté féminin, la marche était trop haute pour Coline Aumard (n°27) face à l'Anglaise Sarah-Jane Perry (n°6), malgré un beau passage dans le troisième jeu. Le bilan est néanmoins positif pour la Française : absente pendant la majeure partie de la saison en raison d'une blessure au pied, elle avait remporté auparavant son premier match sur le circuit depuis septembre 2020, face à Liu Tsz-Ling (n°41). Après avoir expédié son premier tour face à Bruna Marchesi Petrillo (n°163), Mélissa Alves (n°33) a commis trop de fautes dans les deux premiers jeux pour être en mesure de perturber Joshna Chinappa (n°11). La troisième manche va être un véritable rollercoaster : Mélissa mène 10-3 avant de voir son avance fondre comme neige au soleil, et d'écarter elle-même plusieurs balles de match. La quatrième sera la bonne pour l'Indienne, dommage car les choses auraient pu prendre une autre tournure pour la Guyanaise si elle était revenue à 2-1 ..

Sur les douze Français engagés à Chicago, quatre ont vu leur parcours s'arrêter dès le premier tour.

Sébastien Bonmalais (n°61) a néanmoins marqué les esprits, livrant une prestation remarquable face à Karim Abdel Gawad (n°6), vainqueur de l'épreuve en 2016-2017. Battu en trois jeux très accrochés (13-11, 11-7, 17-15), le Réunionnais a fait étalage des qualités de vitesse qu'on lui connaît mais aussi été très inspiré offensivement, notamment côté revers. Au point de susciter les éloges de son adversaire, qui le voit intégrer le top 20 mondial rapidement ... À l'inverse, Lucas Serme (n°37) n'a pas caché son « extrême déception » après sa défaite contre le Mexicain Arturo Salazar (n°42), alors qu'il avait mené 1-0 et été devant au score à la fin des deux manches suivantes. « À aucun moment je ne me suis senti confiant ou relâché, et mon adversaire a vraiment saisi ses opportunités. »

Quatre Français n'ont pas franchi le premier tour, mais Sébastien Bonmalais (en haut à gauche) a laissé une belle impression en donnant une superbe réplique à Karim Abdel Gawad (Crédits photo : PSA World Tour) 

Deux Françaises s'étaient heurtés à des joueuses mieux classées qu'elles. Malgré une entame de match prometteuse, Énora Villard (n°46) a vécu « une expérience courte et décevante, » sur le cout vitré du Cathedral Hall, s'inclinant lourdement face à l'Américaine Olivia Fiechter (n°20). Pour sa première participation au championnat du monde, Marie Stéphan (n°72) n'a pas démérité face à Zeina Mickawy, classée 40 places devant elle. Menée 2-0, elle est revenue au score mais l'Égyptienne a pris le large dès le début de la quatrième manche. Pour la Guyanaise, l'objectif en 2021-2022 sera d'améliorer son classement, afin d'avoir l'opportunité d'intégrer les tableaux des tournois Platinum.