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JOCELYN MARTIN : PORTRAIT D'UN BAROUDEUR

Événements 17/01/2018

Pour son retour en métropole, Jocelyn Martin a causé l'une des premières sensations de l'année 2018 dans le paysage du squash Français. Après un exil en Guadeloupe et cinq années sans compétition, ce Manceau de 37 ans s'est qualifié pour le championnat de France Élite, où il se mesurera en avril au gratin du squash hexagonal.

Entretien avec un passionné de sport, au parcours atypique.

Propos recueillis par Jérôme Elhaïk

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LES DÉBUTS DANS LE SQUASH

« J'ai commencé le squash à 13 ans, au Squash des Cèdres au Mans, où le pôle espoirs venait à peine d'ouvrir. Mon statut était un peu particulier : je n'avais pas le niveau pour en être un membre à part entière, mais comme j'étais un jeune motivé, il m'arrivait de m'entraîner avec eux. J'étais un sparring partner en quelque sorte. Parmi les joueurs de ma génération, il y avait Jérémy Drecher, Romain Suire, Raphaël Calais, et même Yann Menegaux (aujourd'hui entraîneur national). Je n'ai participé qu'à un seul championnat de France, en -15 ans et de mémoire j'avais dû terminer 21ème. J'ai été formé par Benoît Letourneau. C'est lui qui m'a donné les contenus techniques, et qui m'a aussi transmis sa passion du squash. Il est devenu un collègue à la fin des années 2000, lorsque je suis revenu enseigner le squash au Mans après un premier départ en Guadeloupe (voir ci-dessous). »

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 Rare photo d'archive : Jocelyn Martin (à gauche) en compagnie de ses premiers partenaires d'entraînement au Mans, et de son coach Benoît Letourneau (deuxième en partant de la gauche) (Crédit photo : SiteSquash) 

LA GUADELOUPE : PARTIR, REVENIR …

En 2004, Jocelyn a 23 ans lorsqu'il atteint son meilleur classement (42ème français). Mais le jeune homme a des envie d'ailleurs : après avoir accumulé les petits boulots pour mettre de l'argent de côté, il réalise un tour du monde pendant exactement un an (du 5 septembre 2005 au 6 septembre 2006). En mode routard, sac sur le dos. De l'Inde au Brésil en passant par les Fidji ou le Mexique, il découvre la planète. (Source : Jocelyn Martin, « dévoreur » de temps). Il part ensuite s'installer en Guadeloupe, un endroit où sa sœur habite et où il s'est rendu plusieurs fois en vacances. Détenteur du Brevet d’État, il participe pleinement au développement de la discipline sur l'île, notamment grâce à l'ouverture d'un nouveau club. « Le nombre de pratiquants a explosé, » raconte-t-il. « On avait beaucoup de jeunes, dont du mini-squash. » Fatigué par la grève générale de 2009 dans les Antilles Françaises, il décide de rentrer au Mans et se lance à fond dans la compétition. Il remporte le championnat de France 3ème série, et le championnat de Ligue 2ème série en Pays de Loire dans la foulée. De 2010 à 2012, il écume les tournois et navigue autour du 20ème rang Français, passant tout près d'une montée en Nationale 1 avec son équipe du Mans. Il dispute même le tournoi PSA de Nîmes en janvier 2012, où il passe le premier tour des qualifications avant d'être battu par Johan Bouquet. C'est alors qu'il repart en Guadeloupe, « pour suivre ma copine. Mais le club dans lequel je travaillais lors de mon premier passage avait été remplacé par des bureaux, et il n'y avait pratiquement plus de joueurs, hormis un noyau dur d'une dizaine. Pour jouer, il fallait aller dans un hôtel, avec un seul court, au fin fond de l'île. C'est d'ailleurs selon moi la raison pour laquelle la Guadeloupe n'est pas au niveau d'autres DOM-TOM, comme la Réunion : les infrastructures. Du coup je n'ai pratiquement pas joué pendant cette période, c'est à dire cinq ans. » C'est alors qu'il va se trouver une nouvelle passion ...

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Avec Mathieu Fort, Jérôme Dadot, Billy Paton et Fedinand Conty, Jocelyn Martin (à droite) était monté sur le podium de Nationale 2 en 2010 (Crédit photo : Squash Pays de Loire) 

LE TRAIL, UNE ASCENSION FULGURANTE

« Comment je suis venu au trail ? Des amis du squash m'ont inscrit au Grand Raid du Volcano en 2012. Je me suis lancé dans ce défi sans aucune préparation. Je n'avais jamais fait de course à pied de ma vie, pas même un 10 kilomètres. J'ai pensé que mes qualités physiques et mon vécu de sportif allaient suffire. Je me suis perdu en début de course, et à un moment je n'étais même pas dans les 100 premiers. Puis je me suis pris au jeu, et j'ai commencé à remonter. Au point de dépasser tous les amis avec lesquels je m'étais inscrit, et j'ai fini 17ème … Je me suis dit que j'avais peut-être quelques dispositions, et j'ai commencé à m'investir dans le trail de plus en plus. Je m'entraînais régulièrement dans un club d'athlétisme, et je faisais également des séances en montagne. »

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Après près de 28 heures d'effort, Jocelyn Martin avait remporté la première Transkarukera en 2013 (Crédit photo : www.guadeloupe.franceantilles.fr) 

Les victoires s'accumulent rapidement. Martin devient une référence de la discipline en Guadeloupe, remportant notamment les deux premières éditions de la Transkarukera. Un trail de … 120 km, soit près de 28 heures d'effort, dans des conditions parfois dantesques. Dans le même temps, il est guide accompagnateur et travaille dans le paramédical, car « dans le trail, il n'y a pas d'argent, encore moins que dans le squash. Pour donner un exemple, le vainqueur de la Diagonale des fous, pourtant une course mythique, touche moins de 2000 euros. J'avais la chance d'avoir des sponsors pour le matériel et l'équipement, mais vivre du trail, ce n'est pas possible. »

UNE DISCIPLINE À PART

« Comment définir le trail en quelques mots ? Extraordinaire ! Les paysages, la végétation luxuriante, on évolue dans un environnement magnifique. Mais au-delà de ça, il y a la mentalité, c'est une véritable aventure humaine. L'ultra-trail, c'est avant tout des rencontres : le combat est contre soi-même, et pas les autres comme ça peut être le cas sur un court de squash, où il y a parfois une certaine animosité. Là, il y a une véritable entraide, on est dans la même galère. Ça m'est arrivé de courir avec des gens qui étaient en difficulté, de leur donner de l'eau, des barres etc. C'est une discipline hors normes, où on passe par des moments difficiles. La performance repose sur soi, et c'est déjà un exploit de finir la course. »

RETOUR AU BERCAIL

« Vers la fin de mon séjour en Guadeloupe, j'ai pu taper un peu la balle avec un bon joueur qui y était installé depuis peu, Adrien Cressin. Du coup ça m'a redonné goût au squash. Je suis rentré au Mans il y a deux mois, et je m'entraîne principalement avec Grégory Joneau, mais aussi Rodolphe Bigot et Gabriel Boulanger. À la base, j'étais plutôt parti pour faire l'open du Mans le week-end dernier, mais Greg m'a parlé des qualifs. J'y ai réfléchi, et je me suis dit que c'était l'occasion d'avoir de bons matches et de voir où j'en étais. »

L'EXPLOIT AUX QUALIFS

« Je n'ai regardé la liste des participants que 2 ou 3 jours avant. Mon classement (il est actuellement 131ème mais fera quoiqu’il arrive un bond considérable en mai) ne me permettait pas d'avoir des ambitions, donc j'y allais non pas comme un touriste, mais comme un outsider. D'autant que ça fait plusieurs années que je n'avais pas joué en France, et je ne connais plus trop les joueurs. Quand on a su que je jouais Rohan Mandil (n°16 français), Greg m'a dit que c'était du 50/50, je n'étais pas forcément d'accord avec lui (rires). Mais dès les premiers points, j'ai senti que j'avais mes chances : je n'étais pas pris de vitesse, techniquement il ne mettait pas à l'envers (sic), et j'arrivais sans problème à tenir les longs échanges. » En s'imposant en cinq jeux, Martin créé la grosse surprise du premier tour, avant de s'imposer en 1/8è de finale contre le Rochelais Stéphane Brevard (n°40). Il se retrouve face à un autre joueur du club hôte, Ludovic Barraud (n°17). À la clé, une qualification pour le championnat de France. Les deux joueurs se livrent un combat acharné, donc Martin sort vainqueur après 1h22 de match. « Cette victoire, j'ai vraiment dû me faire très mal pour aller la chercher. Au cours du match, ça m'est arrivé d'avoir des pensées négatives, mais je les ai repoussées et je n'ai jamais cessé d'y croire. Il faut être honnête, ça se joue à rien, aux 3 centimètres qui font qu'une balle est faute ou pas. Il a eu plusieurs balles de match. C'était du 50/50, je suis donc chanceux d'être sorti vainqueur.

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Il fallait un vainqueur, et c'est Jocelyn Martin qui s'est imposé contre Ludovic Barraud après un combat dantesque (Crédit photo : Nicolas Barbeau) 

Inévitablement, une fois la qualif acquise il y a eu une petite décompression d'autant que la demi-finale avait lieu le soir. J'étais un peu absent, je n'avais pas trop d'influx. Mais le mérite en revient à mon adversaire (Arthur Moineau), qui m'a fait déjouer. Il m'a fait faire toutes les choses que je n'aime pas, en jouant très vite devant, en prenant la balle tôt et en coupant les trajectoires. Le lendemain, j'étais encore plus fatigué pour la petite finale contre Yann Perrin. J'avais envie de gagner, mais je savais que ce serait compliqué. Je sais qu'auparavant dans le tableau, j'ai affronté de bons joueurs, mais plutôt avec un jeu de relance, ce qui n'est pas pour me déplaire. Les anciens joueurs professionnels ont une autre dimension. Ce sont des joueurs agressifs. Ils ont plus de coups dans la raquette et savent prendre le jeu à leur compte. Quand on les voit lors des premiers matches, ils ne paraissent pas impressionnants, mais ils montent en puissance au fil du tournoi. Je l'ai totalement compris quand j'ai vu le niveau d'Antoine-Camille Petrucci lors de sa demi-finale contre Yann Perrin (remportée par le Corse en 5 jeux). »

CHAMPIONNAT DE FRANCE : QUELLES AMBITIONS ?

« Oui je suis conscient que le niveau au championnat de France Elite sera très élevé. Ce sera un peu 15 pros, anciens ou actuels, et moi (rires). Donc je suis évidemment content d'y participer, mais il y a aussi de la peur. Je n'ai pas envie d'être ridicule. Mais j'ai le temps de m'entraîner et de progresser d'ici là. Je perdrai peut-être tous mes matches – même si ce n'est pas du tout mon intention - mais je veux passer un maximum de temps sur le court. D'un autre côté, j'ai pu me rendre compte le week-end dernier que moi aussi j'ai des qualités, notamment physiques et mentales, qui peuvent me permettre de rivaliser avec ce type de joueurs. Maintenant, à moi de travailler pour progresser techniquement et au niveau de l'agressivité. Je vais également participer à quelques tournois nationaux, ainsi qu'aux Interclubs (il évoluera en Nationale 3 sous le maillot du Stade Nantais. Déjà premiers de leur poule avant son arrivée, ils font plus que jamais partie des candidats à la montée). »

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Pour réduire l'écart avec les anciens joueurs professionnels comme Arthur Moineau, Martin compte s'entraîner dur au cours des prochaines semaines (Crédit photo : Nicolas Barbeau) 

RIEN N'EST IMPOSSIBLE

Lorsqu'on lui demande de comparer son niveau actuel avec celui qu'il avait quand il était top 20, Martin répond du tac au tac. « Ça paraît dingue, car je n'ai quasiment pas joué pendant 5 ans, mais je me sens plus fort qu'avant. Pas la peine de tourner autour du pot : c'est à 90 % grâce au trail. Cette discipline m'a donné une autre dimension en me faisant franchir de nouvelles limites, aussi bien physiquement que mentalement. » Des regrets de ne pas s'être totalement consacré au squash auparavant ? « Un petit peu, même si j'ai pu profiter de ma jeunesse et de ses expériences, sortir avec mes amis etc. J'étais certes beaucoup moins doué que certains, mais le talent est moins important que le travail. Quand j'étais au Mans, j'ai eu la chance de voir évoluer Mathieu Castagnet. Ce n'était pas le meilleur chez les jeunes, mais il a bossé comme un fou pour en arriver là où il est. C'est bien la preuve que quand on se donne les moyens, tout est possible. En ce qui me concerne, il n'y pas de courses dans la région donc je vais me mettre le trail entre parenthèses pour l'instant. Je repars pour un cycle squash ... »

 

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