En pleine confiance ces derniers temps, à l'image de leur succès dimanche au Dutch Junior Open, Lauren et Melvil tenteront de faire mieux que leur "seeding" et d'atteindre les quarts de finale. Décryptage des chances des Bleu(e)s en compagnie de l'entraîneur national Yann Menegaux.

Article de Jérôme Elhaïk 

UNE PRÉPARATION STUDIEUSE. Le championnat du monde junior fait escale en Australie pour la première fois depuis 1986, et à l'époque c'est la légende Jansher Khan qui s'était imposé*. Qui dit Australie dit long voyage, et la délégation tricolore s'envole mercredi soir en direction des antipodes. « Ça fait 30 heures de trajet en tout, avec une escale à Singapour, » explique l'entraîneur national Yann Menegaux, qui était déjà à la tête des Bleuets en 2017 en Nouvelle-Zélande lorsque Victor Crouin avait atteint la finale. « On va arriver à 5h30 du matin sur place, il faudra trouver un endroit pour se reposer un peu sachant que le but n'est pas non plus de dormir toute la journée pour s'adapter au fuseau horaire, et on fera un entraînement léger la journée. 4-5 jours, c'est suffisant pour récupérer du décalage horaire, surtout pour des jeunes (rires). Concernant la météo, on va passer de 38° C en France à 12 à Melbourne. Mais dans ce sens là ce n'est pas vraiment un problème, et c'était compliqué pour s'entraîner ces derniers jours. » Alors que les jeunes tricolores n'ont quasiment pas fait de break (« si ce n'est pendant leurs examens scolaires, »), ils ont effectué un stage de préparation studieux en région parisienne. Trois d'entre eux ont ensuite participé au Dutch Junior Open. « L'objectif était qu'ils fassent des matches, et ça ne s'est pas trop mal passé sur le plan des résultats, » sourit le Stéphanois, faisant référence aux succès de Melvil Scianimanico et Lauren Baltayan en -19 ans, alors que Titouan Isambard a fini à une belle cinquième place. « Dans un premier temps, on avait envisagé qu'ils disputent des tournois PSA en Australie, néanmoins ce n'était pas simple sur le plan logistique car il aurait fallu que tous intègrent les tableaux, et en cas de défaite au premier tour ils n'auraient pas joué pendant une semaine. »

Quatre français (de gauche à droite Titouan Isambard, Lauren Baltayan, Melvil Scianimanico et Antonin Romieu) se sont envolés pour l'Australie mercredi soir (Crédit photo : Yann Menegaux) 

UN CHOIX LOGIQUE. Après les épreuves individuelles, ce sera le tour du championnat du monde junior féminin par équipe à partir du 24 juillet. La France ne sera pas représentée, et il s'agit d'une première depuis 2006 pour une compétition internationale. « La décision n'a pas été facile, on a beaucoup discuté et réfléchi avec la direction technique nationale, » confie Yann Menegaux. « Même si en tant qu'entraîneur, je souhaite que la France soit présente sur toutes les compétitions, il y a d'autres facteurs à prendre en compte. La politique du ministère, c'est de soutenir les sélections à condition qu'elles aient une chance d'aller en quart de finale, et objectivement ce n'était pas le cas. Étant donné le coût que représente un déplacement aussi long et aussi lointain, c'était un choix logique, d'autant plus que le championnat du monde masculin par équipe senior a lieu en Nouvelle-Zélande en 2023. Les récents résultats du Dutch Junior Open nous donnent plutôt raison. On a estimé que derrière Lauren, les autres filles n'avaient pas l'attitude de guerrière requise pour avoir des résultats à ce niveau, cependant il ne tient qu'à elles de corriger le tir dans le futur. »

Yann Menegaux (à gauche, ici en compagnie de Melvil Scianimanico) sera à la tête de la délégation tricolore en Australie (Crédit photo : Xavier Romieu)

La délégation tricolore sera donc focalisée sur les tableaux individuels, dans lesquels Lauren Baltayan et Melvil Scianimanico seront ses fers de lance et peuvent viser une place en quart de finale. « Voire mieux, surtout pour Melvil, » indique leur entraîneur. « Le tableau garçons est très homogène, alors que chez les filles il y a quand même des joueuses qui ont déjà eu de gros résultats en PSA. En premier lieu Amina Orfi et Fayrouz Aboelkheir, mais il y a aussi Zeina Zein et Aira Azman. Sachant que Lauren n'a que 16 ans, et qu'elle aura donc deux autres championnats du monde junior à disputer en 2024 et 2025. »

TABLEAU FÉMININ

(cliquez ci-dessus pour accéder au tableau)

Forte d'un excellent premier semestre 2023, Lauren Baltayan arrivera en Australie avec le plein de confiance. À seulement 16 ans, la Française peut viser les quarts de finale, et pour ça il faudra sans doute battre l'Anglaise Asia Harris ...

LAUREN BALTAYAN (16 ANS, US CRÉTEIL SQUASH)

En grande forme ces dernières semaines, Lauren Baltayan (en bleu) fait partie des outsiders du championnat du monde junior (Crédit photo : Xavier Romieu)

Ses résultats récents : depuis un British Junior Open mitigé en janvier (elle avait terminé 10ème en -17 ans), Lauren Baltayan a passé la surmultipliée. À son crédit : deux médailles de bronze au championnat de France Élite et au championnat d'Europe -19 ans individuel, un premier titre en PSA (à Mulhouse) quelques semaines après ses débuts sur le circuit, et un titre continental avec l'équipe de France en -17 ans, la petite Franco-Égyptienne ayant apporté le point décisif en finale - sans oublier une première cape en senior. Lauren arrivera en confiance en Australie, ayant remporté le Dutch Junior Open le weekend dernier.

Son tableau : Lauren bénéficie d'un bye, et aura un 1/32ème de finale largement à sa portée. Le niveau devrait s'élever au tour suivant avec l'Allemande Maya Weishar, qu'elle a battue en trois jeux accrochés au championnat d'Europe -17 ans. En ligne de mire, il y a un choc en 1/8ème face à la grande anglaise Asia Harris (1m80, soit près de 30 cm de plus qu'elle). En finale du championnat d'Europe -19 ans par équipe, la Française s'était inclinée en 5 jeux avant de prendre une éclatante revanche au PSA de Mulhouse. Cette opposition de styles, et de gabarits, fait généralement des étincelles et s'il a lieu ce match ne devrait pas faire exception à la règle.

👉 1/64ème de finale : [9/16] Lauren Baltayan 🇫🇷 - bye

👉 1/32ème de finale (mardi 18 juillet, 10h35) : [9/16] Lauren Baltayan 🇫🇷 🆚 Sophie Thomas 🇮🇪 ou Natalie Main 🏴󠁧󠁢󠁳󠁣󠁴󠁿 / court n°5

Si les deux joueuses tiennent leur rang auparavant, Lauren Baltayan (au premier plan) devrait retrouver Asia Harris en 1/8ème de finale (Crédit photo : Jérôme Elhaïk)

L'œil du coach (Yann Menegaux) : « Il ne faut pas se mentir, Lauren a vraiment un tableau intéressant. L'Allemande Maya Weishar, c'est une bonne joueuse mais elle la bat à chaque fois et si elle évolue à son niveau elle est au-dessus. Asia Harris en 1/8ème, c'était loin d'être le pire tirage possible quand on voit les têtes de série de 1 à 8. C'est vrai que généralement leurs affrontements sont assez tendus. Lauren l'a battue la dernière fois à Mulhouse, on sait qu'elle a les armes. Incontestablement, cette saison Lauren a progressé dans la construction des échanges. Comme on l'a vu en finale du Dutch Junior Open, c'est quand elle attaque trop tôt qu'elle fait des fautes, alors que lorsqu'elle est patiente ses qualités offensives s'expriment d'autant mieux. »

Les favorites : On ne va pas trop se mouiller en disant qu'Amina Orfi est la favorite de la compétition. Âgée de 16 ans, la tenante du titre veut battre tous les records et être sacrée 4 fois de suite. Même si elle a obtenu des résultats exceptionnels en PSA en 2023, elle devra se méfier de sa compatriote Fayrouz Aboelkheir, qui l'a poussée plusieurs fois dans ses retranchements. La Malaisienne Aira Azman, qui a battu Aboelkheir mais aussi Joshna Chinappa lors de la récente World Cup fait figure de principale outsider.

Les Égyptiennes Amina Orfi (au premier plan) et Fayrouz Aboelkheir sont les têtes de série n°1 et 2 du tableau (Crédit photo : British Junior Open)

TABLEAU MASCULIN 

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Antonin Romieu, Titouan Isambard et Melvil Scianimanico sont les 3 tricolores engagés dans le tableau individuel masculin (Crédit photo : Xavier Romieu)

Comme Lauren Baltayan, Melvil Scianimanico est en pleine bourre ces derniers temps et peut viser un quart de finale à Melbourne. Pas tête de série et donc moins protégés, Titouan Isambard et Antonin Romieu tenteront de tirer leur épingle du jeu.

MELVIL SCIANIMANICO (18 ANS, SQUASH DES VOLCANS)

Ses résultats récents : à l'instar de Lauren Baltayan, Melvil Scianimanico est en pleine bourre depuis le début de l'année 2023. Seulement battu par le futur lauréat Finnlay Withington au British Junior Open, il a comme sa compatriote réalisé le doublé Open de France junior - Dutch Junior Open. Concernant le championnat d'Europe -19 ans, il a certes échoué au pied du podium dans l'épreuve individuelle, mais a réalisé une performance XXL en finale du "par équipe" en renversant Jonah Bryant (qui sera tête de série n°1 à Melbourne) alors qu'il était mené 2-0. Sur le plan domestique, il a été sacré champion de France junior, a remporté deux opens nationaux et a grandement contribué à la montée de son club en Nationale 1.

Son tableau : après un bye au premier tour, Melvil pourrait avoir un 1/32ème de finale piégeux face à Luhann Groenewald. Le Sud-Africain a disparu des radars récemment, mais avait eu d'excellents résultats sur le circuit européen il y a quelques années en -13 ans (vainqueur de l'European Junior Open, finaliste du Dutch). S'il franchit ce tour, ainsi que le suivant qui devrait être moins difficile, le pensionnaire du Squash des Volcans aura rendez-vous en 1/8ème de finale avec l'Égyptien Salman Khalil. Inconnu à l'époque, il avait surpris en battant Jonah Bryant en finale du championnat du monde par équipe à Nancy en 2022. S'il évolue à son meilleur niveau, le Français a les moyens de surmonter l'obstacle et de s'offrir un quart face à Bryant.

👉 1/64ème de finale : Melvil Scianimanico 🇫🇷 - bye

👉 1/32ème de finale (mardi 18 juillet, 7h40) : [9/16] Melvil Scianimanico 🇫🇷 🆚 Kenneth Lamb 🇦🇺 ou Luhann Groenewald 🇿🇦 / court n°9

Sur la lancée de ses bons résultats récents, Melvil Scianimanico (en bleu) peut avoir des ambitions en Australie (Crédit photo : L'Est Républicain)

L'œil du coach (Yann Menegaux) : « Melvil est en pleine forme et a eu d'excellents résultats dernièrement. Quand on sait qu'il a battu la tête de série n°1, Jonah Bryant, en finale du championnat d'Europe junior par équipe, on peut se dire que tous les espoirs sont permis. Il y a dans sa partie de tableau des adversaires qu'on ne connaît pas trop, il faudra se méfier. Ensuite, Salman Khalil en 1/8ème, c'est un bon joueur mais il n'a rien à lui envier. Personne n'est largement au-dessus chez les garçons, il faut prendre match par match et se dire que tout est possible. Là où Melvil a le plus progressé dernièrement, c'est sans nul doute dans l'intensité qu'il met dans le jeu, il prend de plus en plus de balles avant qu'elles ne rebondissent sur la vitre arrière. Tout en conservant ses qualités défensives, grâce auxquelles il arrive à faire jouer un coup de plus à ses adversaires, il a beaucoup progressé en attaque. »

TITOUAN ISAMBARD (18 ANS, ASSOCIATION MARSEILLE SQUASH CLUB)

Ses résultats récents : depuis qu'il a intégré le pôle France d'Aix-en-Provence, le jeu de Titouan Isambard a incontestablement gagné en solidité. Même s'il a buté à chaque fois sur Melvil Scianimanico, le Marseillais a été récompensé de ses progrès par deux belles médailles, une de bronze à l'open de France junior et une en argent au championnat de France -19 ans. Il a de nouveau perdu face à son compatriote en quart de finale du Dutch Junior Open samedi dernier, mais non sans lui poser pas mal de problèmes.  

Son tableau : Titouan a un tableau intéressant, avec deux premiers tours largement dans ses cordes. S'il les franchit, il devrait retrouver en 1/16ème de finale Hamza Khan, médaillé de bronze à Nancy en 2022. Le jeune Pakistanais (17 ans) a certes beaucoup de talent, mais a parfois montré des lacunes au niveau mental dans les moments clé des matches importants.

👉 1/64ème de finale (mardi 18 juillet, 2h10) : Titouan Isambard 🇫🇷 🆚 Freddie Jameson 🇳🇿 / court n°6

En constante progression ces derniers mois, Titouan Isambard bénéficiera d'un tableau intéressant à Melbourne (Crédit photo : Christian Lortat)

L'œil du coach (Yann Menegaux) : « Titouan a un tableau intéressant, avec effectivement la possibilité d'aller en 1/16ème pour retrouvez Hamza Khan. On n'a pas trop vu le Pakistanais dernièrement, et on ne sait pas comment il se prépare. C'est un joueur très talentueux, mais qui peut avoir des trous d'air dans un match. Du coup, on a beaucoup travaillé à la vidéo sur le fait d'être régulier et de ne pas faire de fautes. Oui, Titouan a beaucoup progressé, il est plus solide. Il a des qualités physiques et de défense, et a plus confiance en son coup droit. C'est une belle opportunité pour lui, il doit croire en ses chances. »

ANTONIN ROMIEU (17 ANS, SQUASH LOISIRS BALAGNE)

Ses résultats récents : accaparé par ses études (il a obtenu son bac), Antonin Romieu a connu une saison 2022-2023 contrastée, avec des bas mais aussi des hauts : une médaille d'argent par équipe en -19 ans avec les Bleus, une belle finale à l'open national du Jeu de Paume et une médaille de bronze au championnat de France junior. Âgé de 17 ans, le Corse sera encore présent l'année prochaine.

Son tableau : Antonin n'a pas été gâté par le tirage avec un 1/64ème de finale face au Hong-Kongais Jat Tse, régulièrement présent au British Junior Open et qui présente quelques résultats intéressants. Le vainqueur de ce match défiera ensuite le tenant du titre, Rowan Damming.

👉 1/64ème de finale (mardi 18 juillet, 5h20) : Antonin Romieul 🇫🇷 🆚 Jat Tse 🇭🇰 / court n°5

S'il passe le premier tour, Antonin Romieu défiera ensuite le champion du monde en titre Rowan Damming (Crédit photo : Jérôme Elhaïk)

L'œil du coach (Yann Menegaux) : « Jat Tse, on le connaît bien, c'est un bon joueur. De son côté, Antonin sort d'une saison compliquée parce que ses études lui ont pris beaucoup d'énergie. Maintenant, il a obtenu son bac et intègre l'IUT de son choix, donc il va se rendre en Australie l'esprit libre, sachant qu'il aura encore une chance en 2024. D'un côté, il va manquer de repères mais le fait d'être relâché peut être un avantage. S'il passe le premier tour, il a les moyens d'embêter Rowan Damming, d'autant plus que le Néerlandais met généralement un peu de temps à se mettre en route et qu'il peut être bon à prendre en début de tournoi. »

Les favoris : "Seulement" 1/8ème de finaliste en 2022, l'Anglais Jonah Bryant est tête de série n°1 grâce à ses résultats récents (finaliste du British Junior Open, champion d'Europe -19 ans). Lors de ces deux tournois, il a battu plusieurs joueurs qui seront des prétendants au titre en Australie : le tenant du titre Rowan Damming,  Mohamed Zakaria et Juan Jose Torres Lara, qui avaient tous brillé à Nancy. Dans ce tableau très ouvert, on peut également citer Hamza Khan, David Bernet, Joachim Chuah, Salman Khalil, Kareem El Torkey et le Français Melvil Scianimanico, pour lequel aucun des joueurs cités plus haut n'est imprenable s'il évolue à son meilleur niveau.

Rowan Damming (en rouge) tentera de conserver le titre acquis il y a un an à Nancy, mais Jonah Bryant est le favori suite à ses résultats récents (Crédit photo : British Junior Open)