Retour sur leurs performances à Doha en compagnie de l'entraîneur national Renan Lavigne.

Article de Jérôme Elhaïk

« À part l'Égypte, nous étions le seul autre pays à avoir deux représentants en 1/8è de finale, » indique Renan Lavigne pour souligner la densité actuelle du squash masculin Français. Même si leur parcours s'est arrêté à ce stade de la compétition, les sept Bleus présents au Qatar n'ont dans l'ensemble pas démérité.

➡️ Très régulier à ce niveau (il figurait au 3ème tour d'un tournoi Platinum pour la huitième fois depuis la mise en place de la nouvelle nomenclature, au début de la saison 2018-2019), Grégoire Marche (n°17 mondial) n'est pas passé loin de rallier les quarts de finale. « Quand on mène 2-1 contre le numéro 5 mondial, c'est forcément une opportunité, » confie Renan Lavigne à propos du match du Français face à Paul Coll, finalement perdu en 5 jeux et 83 minutes. « En début de partie, Greg lui a fait mal en faisant des choses simples. Il a fait douter le Kiwi, qui n'avait pas de solutions et était hésitant à l'avant du court. Dommage qu'il ne prenne pas le deuxième jeu, car il y avait la place pour gagner 3-0. » Le Drômois menait en effet 8-4, sans parvenir à conclure. Il allait repasser devant au prix d'un gros effort, avant malheureusement de le payer par la suite. « Coll était en difficulté, mais il s'en est sorti, » ajoute l'entraîneur national à propos de celui qui devra encore patienter pour remporter son premier "majeur", ayant été battu en finale par Ali Farag. « C'est toujours la même chose, il faut gagner ce type de match pour se rapprocher du top 10, car pour ce qui est du niveau de jeu affiché Greg est bien présent. » 

Grégoire Marche a souvent pris l'initiative dans l'échange, mais ça n'a pas suffi pour faire chuter Paul Coll (Crédit photo : Nathan Clarke / PSA World Tour)

➡️ « Pouvoir atteindre les 1/8è de finale sans affronter de joueur du top 15 est une belle opportunité, et il l'a parfaitement saisie, » dit Renan Lavigne au sujet de Lucas Serme. « Néanmoins, ses deux premiers tours n'étaient pas faciles, et il les a bien négociés. » Très appliqué et combatif comme à son habitude, le n°38 mondial s'était imposé en 4 jeux accrochés face à Todd Harrity (n°58) et Tom Richards (n°34), avant de buter sur le roc Joel Makin (n°10). « Le Gallois ne montre aucune émotion, et est d'une régularité implacable lorsqu'il évolue dans sa zone de confort. C'est un joueur d'un autre niveau que ceux que Lucas avait affrontés auparavant : même s'il a rivalisé avec Makin, il faut être encore plus agressif pour exposer ses failles. » Malgré cette défaite en 3 jeux, le bilan est positif pour le pensionnaire d'Annecy : il était présent au troisième tour d'un Platinum pour la première fois depuis mai 2019, et va gagner quelques places au prochain classement.

Sa réaction après sa victoire contre Tom Richards en disant long sur la signification de cette qualification en 1/8è de finale pour Lucas Serme (Crédit photo : Nathan Clarke / PSA World Tour)

➡️ Premier étranger à bénéficier une wildcard dans l'histoire d'une épreuve qu'il avait remporté en 2011, Grégory Gaultier (n°56) a fait honneur à cette invitation en écartant le dangereux Iker Pajares (n°29) au premier tour. « C'était un match piège, contre un joueur qui a énormément fait évoluer son jeu, » affirme Renan Lavigne. « Ça semblait mal embarqué à 9-5 pour l'Espagnol dans le troisième jeu mais Greg s'en sorti grâce à plusieurs frappes courtes, avant de prendre le dessus par la suite. » Opposé à Marwan El Shorbagy (n°6) en 1/16è de finale, le French General n'est pas parvenu à inquiéter l'un des hommes en forme du début de saison. « Je trouve que l'Égyptien a été hyper solide. Il a trouvé toutes ses cibles et n'a rien donné. De son côté, Greg a bien identifié ses manques : il s'était beaucoup entraîné pendant le tournoi en Égypte et a sursollicité son genou, du coup il a eu un peu mal et a calmé le jeu par la suite. Il a estimé que contre Marwan, il manquait de jus et d'explosivité sur son premier pas. Maintenant, il va couper un peu avant la prochaine échéance. » Même s'il s'est heurté à Ali Farag et Marwan El Shorbagy lors des deux derniers tournois, le nom des joueurs accrochés à son tableau de chasse depuis son retour de blessure (James Willstrop, Omar Mosaad et Miguel Angel Rodriguez, pour ne citer qu'eux) sont autant de signes du niveau actuel de l'ancien du champion du monde. En attendant de retrouver un classement qui y corresponde, Grégory Gaultier va réintégrer le top 50 le 1er décembre.

Grégory Gaultier n'a pas trouvé les solutions face à un très solide Marwan El Shorbagy (Crédit photo : Nathan Clarke / PSA World Tour)

➡️ Sevré de matches sur le circuit international (un seul depuis début mars), Baptiste Masotti (n°35) a abordé son premier tour face à Ramit Tandon (n°54) avec une grosse envie et n'a pas laissé l'Indien « s'installer dans le match, » dixit Renan Lavigne. « Il a à la fois fait preuve de puissance et de précision, et s'est facilité la tâche face à un adversaire potentiellement dangereux. » La marche était beaucoup plus haute en 1/16è de finale face à Paul Coll, et le natif de Niort n'est pas parvenu à dérégler la mécanique Néo-Zélandaise, s'inclinant en 3 jeux. « Baptiste avait bien tenu jusqu'à 7-7 dans le premier jeu, ensuite il a cherché à faire la différence trop rapidement (alors que lors de leur affrontement à Manchester en septembre, il avait été plus patient et s'était crée des opportunités). Il a fait les points et les fautes, c'était frustrant à regarder et je sais que ça l'était pour lui aussi. Je ne suis pas évidemment pas contre le fait de marquer un point en une frappe de balle, mais si on s'oriente vers cette stratégie il faut avoir davantage de garantie dans sa raquette (sic). C'est dommage car physiquement il est présent, aussi bien en terme de puissance que de densité, maintenant il a besoin d'avoir plus de régularité dans ses attaques. »

Baptiste Masotti a beaucoup tenté face à Paul Coll, mais avec une réussite insuffisante pour inquiéter le Néo-Zélandais (Crédit photo : Nathan Clarke / PSA World Tour)

➡️ Même si cette fois-ci il n'a pas eu de balle de match, Victor Crouin (n°46) s'est incliné au premier tour face à un joueur Anglais dans le money-time du cinquième jeu, comme à Manchester en septembre. « On dit qu'on apprend dans la défaite mais je crois avoir assez perdu ces derniers temps et il serait préférable d'apprendre et gagner en même temps, » disait le jeune Toulonnais après sa défaite face à George Parker (n°42) avec son franc-parler habituel. « On savait que ça allait être un duel serré, entre deux joueurs au style de jeu et au gabarit très différents, et ça a été le cas, » ajoute Renan Lavigne. « C'est un peu dommage que Victor tente cette frappe courte sur la balle de match : certes, ça correspond à sa volonté d'attaquer davantage, néanmoins à 9-10 dans le cinquième il faut bétonner (sic), d'autant plus qu'il sait parfaitement le faire. D'un autre côté, si ce choix avait été payant on ne serait pas en train d'en parler, et je suis persuadé que ça va tourner dans le bon sens bientôt. Que ce soit pour Victor ou les autres Français, il faut analyser ce qui se passe dans les fins de jeux, afin de comprendre plutôt que de subir. »

Ça n'est pas passé loin pour Victor Crouin face à George Parker, mais son parcours s'est arrêté prématurément à Doha (Crédit photo : Nathan Clarke / PSA World Tour) 

➡️ Il y a quelques semaines, Benjamin Aubert (n°51) avait sérieusement bousculé Borjan Golan (n°26) au premier tour du CIB Egyptian Open, menant même 2 jeux à 1. Cette-fois ci, le jeune Français s'est incliné très sèchement face au vétéran Espagnol (37 ans). « Benji a été malade quelques jours avant le match et n'a pas pu se préparer au mieux, » indique celui qui est son entraîneur au pôle France d'Aix-en-Provence. « Ce n'est cependant pas une excuse, et il n'a pas été en capacité de s'installer dans la rencontre. Quand on a des ambitions, ce n'est pas possible de faire une telle entame, contre un adversaire de ce niveau et connu pour sa combativité. En revanche, le débrief a été constructif : Benji est conscient qu'il a été défaillant sur le plan mental, alors qu'il s'était bien remis dedans après sa lourde défaite en finale à Biarritz. Sur le plan du squash, ce n'est pas un secret qu'il a de grosses qualités avec notamment un bras qui part très vite, mais il doit être dans l'action plutôt que la réaction. Il sait qu'il doit changer des choses dans son organisation au quotidien, car sur certains points il est très pointilleux et d'autres beaucoup moins. »

Sèchement battu par Borja Golan au premier tour, Benjamin Aubert ne gardera pas un souvenir impérissable du Qatar Classic (Crédit photo : Nathan Clarke / PSA World Tour)

➡️ Le cas d'Auguste Dussourd (n°59) est assez semblable à celui de Benjamin Aubert (même si le Parisien a davantage inquiété le Mexicain Cesar Salazar (n°21), faisant notamment la course en tête dans le deuxième jeu) : après être passé tout près de la victoire au premier tour en Égypte pour son premier Platinum, il s'est nettement incliné face à un adversaire mieux classé. « Là aussi, le débrief que j'ai fait avec Auguste et son entraîneur Malcolm Tullis a été très riche, » confie Renan Lavigne. « Ces échanges peuvent être aussi importants sinon plus qu'une séance d'entraînement. Il a bien identifié les choses qu'il lui fallait mettre en œuvre pour progresser, notamment dans sa préparation. Auguste disait qu'il avait eu des pensées négatives sur le court, et qu'il avait l'impression que Salazar le lisait comme dans un livre. Je dis souvent qu'un joueur doit construire son chemin de certitudes : pendant un match, il y a déjà tellement d'informations à traiter - les trajectoires de balle, la tactique etc. - qu'on ne peut pas se permettre de se laisser polluer l'esprit avec ce genre de choses. Benjamin et Auguste découvrent les tournois Platinum et il faut appréhender ce nouveau contexte, même s'ils ont actuellement la chance, entre guillemets, qu'il n'y ait pas de public. »

Battu par l'expérimenté Cesar Salazar, Auguste Dussourd a continué au Qatar le dur apprentissage des tournois Platinum (Crédit photo : Nathan Clarke / PSA World Tour)