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PLEINS FEUX SUR ... LES PÔLES ESPOIRS

Événements 30/04/2020

Il existe plusieurs voies pour accéder au sport de haut niveau. Dans le squash Français, les pôles espoirs constituent l’une d’entre elles. La Fédération en compte actuellement deux, le premier à Aix-en-Provence, et l'autre à Kourou en Guyane.

Article de Jérôme Elhaïk

Un peu d'histoire : en 1996, la discipline s'implante au CREPS PACA avec la création du pôle Juniors France, Grégory Gaultier étant la figure de proue de la première promotion. « Le pôle a presque été créé pour lui, » raconte Renan Lavigne, à l'époque joueur de l'équipe de France et qui en est aujourd'hui l'entraîneur. « Il y avait la volonté de réunir dans une même structure les joueurs à fort potentiel disséminés sur le territoire. » (Source : Quatre-vingt treize) Depuis près de vingt-cinq ans, la plupart des meilleurs joueurs Tricolores ont suivi les traces du French General. Comment intègre-t-on un pôle espoirs, à quoi ressemble la vie de ses pensionnaires et quelles sont les perspectives une fois la limite d'âge atteinte ? Nous avons tenté de répondre à ces questions.

AIX-EN-PROVENCE, BERCEAU DE LA FORMATION À LA FRANÇAISE

Aix-en-Provence est l'un des trois sites du Centre de Ressources, d’Expertise et de Performance Sportive PACA, qui fait partie du réseau des 17 CREPS du ministère des sports.

« Cela représente 14 disciplines, pour un total de 200 athlètes dont 90 internes, » précise Éric Le Chanony, responsable du département haut niveau. « Les jeunes intègrent les pôles espoirs pendant le collège, voire même dès la sixième pour certains sports comme la gymnastique. Notre recrutement s'appuie avant tout sur les résultats scolaires et le comportement, car les candidatures que nous recevons ont déjà été triées par les Fédérations en fonction de critères sportifs. » Pour la rentrée 2020-21, la date butoir d'envoi du dossier à la FFSquash était le 25 avril. Cette étape existe pour laisser aux familles le temps de s’organiser avant la rentrée. « On connaît bien sûr les joueurs et on encourage ceux dont on a décelé le potentiel à postuler, » explique Yann Ménégaux, entraîneur national au pôle espoirs d'Aix-en-Provence. « Les jeunes sont intelligents et savent qu'il est préférable de faire partie des meilleurs de leur catégorie car le nombre de places est limité. L'engagement dans un projet est un facteur de sélection important : il ne faut pas simplement dire, je veux intégrer un pôle pour m'entraîner davantage. »

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Yann Ménégaux encadre une petite dizaine de jeunes au pôle espoirs d'Aix-en-Provence, dont le Néo-Calédonien Brice Nicolas (Crédit photo : Christian Lortat)

Ce projet est double - études et sport - et son bon déroulement « est le fruit d'un travail d'équipe entre l'athlète, sa famille et son staff. » Les journées sont chargées, entre cours le matin, squash l'après-midi mais aussi des études dirigées le soir. À Aix, les jeunes côtoient les joueurs du pôle France masculin, également basé au CREPS. « La transmission, on y tient beaucoup avec Renan Lavigne » confie Yann Ménégaux. « C'est une chance, notamment pour les garçons, de voir comment leurs aînés se comportent sur le court et en dehors. » Après Toufik Mekhalfi il y a quelques mois (voir ci-dessous), Paul Gonzalez devrait être le prochain à passer chez les grands. « Parfois, on me demande si je ne suis pas déçu de voir un jeune partir au pôle France, mais c'est tout le contraire, » raconte l'entraîneur des équipes de France junior. « Plus tôt ça arrive, mieux c'est : ça veut dire qu'on a bien travaillé ! Et ça ne m'empêche pas de rester en contact constant avec eux par la suite. »

 TÉMOIGNAGES

Tout au long de leur parcours en jeunes, Toufik Mekhalfi et Yuna Loaëc ont fait partie des meilleurs de leur catégorie d'âge. Autre point commun, ils sont passés par le pôle de Châtenay-Malabry avant de déménager à Aix-en-Provence. Nous leur avons demandé de partager leur expérience.

Qu'est-ce qui t'a poussé à intégrer un pôle espoirs ? 

Toufik Mekhalfi : J'ai commencé à jouer au squash à l'âge de 5 ans, dans le club de Casseneuil avec Hervé Guillou. Faire du haut niveau et intégrer un pôle ont fait partie de mes objectifs dès l'âge de 8-10 ans. Je n'avais pas forcément d'idole ou de modèle, mon moteur était plutôt la passion du squash. Ce projet s'est concrétisé à la fin de ma quatrième, lorsque je suis parti à Châtenay-Malabry. L'éloignement avec mes parents n'était pas facile à gérer, mais le fait que ma sœur soit déjà sur place m'a beaucoup aidé. 

Yuna Loaëc : J'ai commencé à y penser en entrant au collège. J'en parlais beaucoup avec les autres jeunes sur le circuit, mais j'étais un peu réticente à l'idée de quitter mes parents à l'âge de 11 ans. C'est devenu plus clair dans mon esprit pendant mon année de troisième. Quand on n'est pas en pôle, ce n'est pas facile de s'entraîner tous les jours après les cours. J'avais envie de faire du haut niveau, et c'était le bon moment pour me lancer mais aussi me tester.

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En début de saison, Toufik Mekhalfi (au premier plan) a remporté le championnat de France junior en battant Paul Gonzalez (Crédit photo : Nicolas Barbeau)

À quoi ressemble ton quotidien au pôle ? 

Toufik Mekhalfi : Dans un pôle, la fréquence et l'intensité des entraînements est plus élevée qu'en club. Ça a été un peu dur au début, mais je me suis vite adapté. Néanmoins, en tant que pensionnaire du CREPS les journées sont longues et très chargées : les cours au lycée de 8 heures à midi et les séances physiques et techniques l'après-midi, mais ça ne s'arrête pas là : après le dîner, il y a 1h30 d'étude. Cela permet notamment de rattraper les cours que l'on manque lorsqu'on est en compétition. Je pense qu'il y a un bon équilibre entre le sport et l'école. Il faut aussi souligner que nous avons au sein du CREPS un service médical, des préparateurs physiques etc. à notre disposition. 

Yuna Loaëc : Être loin de ma famille a été difficile les premières semaines, mais les journées s'enchaînent tellement vite qu'on y pense moins par la suite. Lorsque le pôle de Châtenay-Malabry a fermé, avec mes parents on a envisagé la possibilité que je parte en Angleterre. J'ai pris finalement la décision d'aller à Aix-en-Provence, et je ne le regrette pas. C'est vrai que nous les filles du pôle espoirs ne côtoyons pas les joueuses du pôle France. Ça m'est arrivé de m'entraîner avec des hommes, par exemple Sébastien Bonmalais, mais la différence de niveau – notamment physique – est trop grande. Néanmoins, je ne sais pas si c'est l'une des raisons pour lesquelles il n'y a pas davantage de jeunes Françaises qui se lancent sur le circuit professionnel. L'un des gros avantages du CREPS est qu'on a tout à proximité, alors qu'en région Parisienne je passais beaucoup de temps dans les transports pour aller en cours. Dans les deux cas, j'ai eu la chance d'avoir une super famille d'accueil pour les weekends. C'était un peu ma deuxième maison, et c'est important lorsqu'on est loin de chez soi. 

Quelles sont tes perspectives à court terme ? 

Toufik Mekhalfi : Depuis fin août 2019, j'ai le même programme (cours le matin, squash l'après-midi), mais je fais partie du pôle France. Les premières semaines ont été difficiles, et c'est normal : au pôle espoirs je faisais partie des meilleurs, alors que désormais je m'entraîne avec des joueurs qui sont tous plus forts que moi. Mais ça va beaucoup mieux, et ce n'est que du bonus car je progresse plus vite. Concernant les études, mon projet est désormais plus clair dans ma tête. Normalement je devrais avoir mon bac, et je souhaite rentrer à l'IUT Techniques de Commercialisation à Aix-en-Provence.

Yuna Loaëc : Les études sont très importantes pour moi, et j'ai envie d'avoir un métier après le squash. Pour optimiser mes chances de réussite, j'ai décidé de passer mon bac en deux ans. Que j'ai obtenu, notamment grâce à des notes satisfaisantes la première année. Je souhaite intégrer la filière STAPS à l'université de Créteil, puis une école de kinésithérapie. J'ai demandé à faire mon année de césure en 2020-2021 et à m'entraîner au pôle France – ce qui serait bien sûr très bénéfique au niveau du squash. J'attends les réponses pour savoir si ce projet pourra se concrétiser, je croise les doigts ...

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Après plusieurs années en pôle espoirs, Yuna Loaëc va se lancer dans une nouvelle aventure à la rentrée (Crédit photo : Mikphotos)

Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui envisage de rentrer dans un pôle espoirs ? 

Toufik Mekhalfi : Comme je l'ai déjà dit, les journées sont longues et ce n'est pas toujours facile quand on doit faire ses devoirs le soir (rires) … C'est donc très important de garder la motivation. Pour ça, il ne faut jamais cesser de croire en soi et en ses rêves. 

Yuna Loaëc : Intégrer un pôle, cela veut dire sortir de sa zone de confort. Il est essentiel de savoir pourquoi on y va, et de définir des objectifs. J'ai vu des athlètes d'autres disciplines qui allaient à l'entraînement à reculons, ce n'est pas possible de faire ça tous les matins pendant 3 ans. Mais si l'on est passionné, il faut se lancer pour ne pas avoir de regrets. Il faut également ne pas hésiter à s'appuyer sur le staff du CREPS. À Aix, nous avons un excellent suivi avec des médecins, préparateurs physiques et mentaux, kinés, psychologues et même diététiciens. Certains athlètes sont parfois réticents car aller les voir veut dire qu'il y a un problème, blessure ou autre. C'est tout le contraire, en s'appuyant sur ces personnes on peut faire de la prévention et éviter les périodes d'arrêt.

LA GUYANE, TERRE DE SQUASH 

Le deuxième pôle espoirs du squash Français est situé à Kourou, et dirigé depuis le début des années 2000 par Christophe Carrouget. 

« Tous les jeunes qui y rentrent viennent de Guyane, à une exception près, » raconte celui qui a fêté ses 46 ans il y a quelques jours. « Il s'agit de Julie Grandjean, qui avait fait la démarche de venir de métropole, lorsque Marie Stéphan et Mélissa Alves étaient là. » En revanche, faire le chemin inverse est presque un passage obligé lorsque l'on nourrit de hautes ambitions. « Mélissa est restée jusqu'à 16 ans parce qu'elle avait la confrontation suffisante ici, mais d'autres sont partis plus jeunes à Aix-en-Provence. Le premier a été Florent Pontière, et plus récemment il y a eu mon fils Mattéo et Ana Munos. C'est nécessaire pour continuer à progresser, mais le déracinement est encore plus compliqué à gérer que pour un jeune de métropole. Non seulement ils sont très loin de leur famille, mais ils doivent aussi se débrouiller tous seuls pour les tâches quotidiennes. »

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Adversaires lors du dernier championnat de France Élite, Ana Munos (au premier plan) et Mélissa Alves sont passées par le pôle espoirs de Guyane à une dizaine d'année d'intervalle (Crédit photo : Nicolas Barbeau)

Si à Kourou le rythme est légèrement moins intense qu'à Aix (« Les enfants ont une séance quotidienne de squash de 2 heures l'après-midi, »), les déplacements pour disputer des compétitions en France ou en Europe représentent une grosse organisation, avec un départ plusieurs jours avant. « Avec l'expérience, j'appréhende mieux certaines choses, » raconte l'entraîneur Guyanais. « Notamment le décalage horaire, qui est compliqué à gérer dans ce sens là. On en profite souvent pour enchaîner les compétitions, comme le Swiss Junior Open et les France -11/-15 en décembre dernier. » À Gradignan, la Guyane était présente en force avec une délégation de 9 Kourouciens, et une quatrième place pour Manon Recorbet en -11 ans. « Ces dernières années, j'ai perdu mes meilleurs éléments car de nombreux parents sont partis en métropole pour raisons professionnelles. Mais j'ai quelques jeunes de 7 ou 8 ans qui sont prometteurs, et qui ont participé à leur premier championnat de France. » Parmi eux, il y a Djaden Garcia, qui n'est autre que le cousin d'une certaine Mélissa Alves. Vainqueur de 5 titres nationaux individuels (sur un total de 16), la joueuse de l'équipe de France est le symbole d'un âge d'or avec lequel le squash Guyanais espère bientôt renouer ...  

LA PAROLE AU DTN

« Afin d'assurer le bon fonctionnement du pôle d'Aix-en-Provence, la Fédération a noué un partenariat très étroit avec ses partenaires institutionnels ainsi que la Ligue PACA. Sur le plan administratif, les pôles espoirs sont rattachés à la structure fédérale déconcentrée du lieu d’implantation. Éric Leclerc, secrétaire général mandaté par le président de la Ligue Thierry Duvilié, œuvre de manière tout à fait remarquable, en lien avec les cadres d’État présents sur place. Ce travail collectif nous a permis, année après année, d’étoffer l’encadrement technique : il y a trois ans, Yann Perrin a rejoint l'équipe d'entraîneurs composée de Frédéric Lecomte, Renan Lavigne et Yann Ménégaux. Nous nous efforçons de trouver la juste articulation entre l’individualisation des préparations sportives et l’émulation collective liée à la confrontation, afin que les joueurs progressent dans les meilleures conditions possibles. Les jeunes m’ont récemment fait part de l’accroissement de leurs besoins en matière d’encadrement. Avec l'équipe, nous réfléchissons à la meilleure solution possible pour la rentrée à venir. En Guyane, Christophe Carrouget fait lui aussi du très bon travail et forme des joueurs talentueux.  

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Bruce Neuffer, Directeur Technique National de la Fédération Française de Squash (Crédit photo : Mikphotos)

En définitive, et les joueurs pourront en témoigner, l’enjeu lorsqu'on fait partie d'un pôle espoirs consiste à s’organiser pour mener à bien ce que l’on appelle le triple projet : la performance sportive bien sûr ainsi que le suivi de sa scolarité, mais il faut aussi savoir garder du temps pour s'épanouir dans sa vie d’adolescent. 

Le pôle espoirs est l'un des chemins pour intégrer la filière du haut niveau. Ce n’est pas la seule possibilité : certains clubs parviennent également, en lien avec leurs ligues, à former de grands champions (voir notre article du 12 février, LES CHEMINS QUI MÈNENT AU SOMMET). Ce travail collectif des différentes structures fédérales (pôles, ligues et clubs) permet, in fine, d’alimenter le collectif des équipes de France. Et le système fonctionne plutôt bien puisque, comme vous le savez, la France se situe régulièrement dans le top 3 mondial ! »

Bruce Neuffer, Directeur Technique National

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